CHAPITRE XX. L'APOTRE CONDAMNE-T-IL DES NOCES ?
Nous venons de remarquer que les uns, tout de feu pour la virginité, condamnent le mariage à l'égal de l'adultère. D'autres au contraire, pleins d'amour pour le mariage, soutiennent qu'il n'y aura qu'une seule et même récompense pour la virginité perpétuelle et pour la pudeur conjugale. D'après les uns, la gloire de Susanne devient l'humiliation de Marie; et d'après les autres, l'excellence de l'état de Marie est la condamnation de Susanne.
20. La difficulté vient de ces paroles de l'Apôtre : « Quant à moi je vous épargne ». Or il est faux que saint Paul ait voulu, par là, dissimuler la peiné qui attendrait les époux dans le siècle futur. Il est faux qu'il condamne à l'enfer celle que Daniel a sauvée d'une condamnation temporelle. Il est faux que l'union conjugale soit pour elle un droit au châtiment devant le tribunal de Jésus-Christ, quand, pour rester fidèle au Christ elle a préféré exposer sa vie, et serait morte, s'il l'avait fallu, sous le coup d'une fausse accusation d'adultère. « J'aime mieux », dit-elle, « tomber entre vos mains, que de pécher en présente de mon Dieu.1 ». A quoi bon ce noble langage, si Dieu devait, non pas la sauver parce qu'elle conservait sa pudeur conjugale, mais la condamner parce qu'elle était épouse ? Que les calomniateurs du mariage l'avouent donc : Quand la vérité des saintes Ecritures protégé la chasteté conjugale, c'est l'Esprit-Saint qui défend Susanne contre ses faux témoins, et la justifie d'un crime s’opposé. Mais ici il le fait bien plus en grand. Alors il ne s'agissait que d'une épouse, il s'agit aujourd'hui de toutes. Il ne s'agissait alors que d'un adultère occulte et supposé, maintenant il s'agit d'incriminer le mariage véritable et légal. Alors, sur l'attestation de quelques vieillards criminels on accusait une femme; aujourd'hui, ce sont tous les maris et toutes les femmes que l'on accuse sur le silence de l'Apôtre. Croyez-le, disent-ils, c'est votre condamnation qu'il a tué, quand il a dit : « Pour moi je vous épargne ».
Et qui donc a prononcé cette parole ! N'est-ce pas celui qui avait dit un peu plus haut : « Si tu prends une épouse, tu ne pèches pas et si une vierge se marie, elle ne pèche pas ? » Pourquoi, dans sa réticence modeste, entrevoir le crime des époux, tandis que dans son langage manifeste vous refusez de voir leur justification: Condamne-t-il dans son silence ceux qu'il absout dans ses paroles ? Accuser Susanne non du crime de mariage, mais du crime, d'adultère, est-ce une plus grande faute que d'accuser de mensonge la doctrine apostolique ? Comment échapperions-nous à un aussi grand danger, si nous n'avions pas pour nous l'évidence et la certitude que le mariage honnête ne peut pas plus être condamné, que la sainte Écriture ne peut se tromper.
Dan. XIII, 23. ↩
