CHAPITRE XXXVII. BEAU MODÈLE D'HUMILITÉ PROPOSÉ AUX VIERGES.
37. Mais regardez, Seigneur, cette troupe de vierges, enfants et jeunes filles; c'est dans votre Eglise que leurs rangs se sont formés; c'est auprès de vous qu'ils ont sucé le lait maternel ; c'est pour prononcer votre nom que leur langue s'est déliée ; ce nom a été pour eux le lait de l'enfance. Parmi eux aucun ne peut dire : J'ai d'abord été blasphémateur et calomniateur et outrageux, mais j'ai obtenu miséricorde parce que j'ai agi dans l'ignorance de mon incrédulité1. Ce n'était pas un précepte mais un simple conseil que vous proclamiez en disant: « Qui peut prendre prenne », ils ont pris, ils ont voué. Pour le royaume des cieux ils ont embrassé la continence, non pas sous le coup de quelque menace de votre part, mais sous l'influence seule de vos exhortations2.
A ceux-là criez et ils le comprendront, « que vous êtes doux et humble de coeur ». Plus ils sont grands, plus ils doivent s'humilier en tout, afin de trouver grâce à vos yeux. Ils sont justes; mais est-ce comme vous, jusqu'à justifier l'impie ? Ils sont chastes; mais leurs mères les ont engendrés et nourris dans le péché3. Ils sont saints; mais vous êtes le Saint des saints. Ils sont vierges; mais ils ne sont pas nés d'une vierge. Ils sont purs d'esprit et de corps; mais ils ne sont pas le Verbe fait chair. Qu'ils apprennent donc, non pas de ceux qui ont besoin de pardon, mais de vous-même, Agneau de Dieu qui effacez les péchés du monde4, qu'ils apprennent que vous êtes doux et humble de cœur.
38. O âme chrétiennement pudique , qui avez enchaîné l'appétit charnel jusqu'à vous refuser au mariage; qui avez refusé à votre corps, condamné à périr, la jouissance de se reproduire dans une postérité ; qui avez imprimé des habitudes célestes à des membres fragiles et terrestres ; pour vous apprendre l'humilité, je ne vous propose ni les publicains ni les pécheurs qui cependant précéderont les orgueilleux dans le royaume des cieux; je ne vous les propose pas, car, sortis qu'ils sont du gouffre impur, ils ne méritent pas d'être présentés à l'imitation de la sainte virginité. C'est au Roi du ciel que je vous renvoie, à Celui par qui les hommes ont été créés et qui, pour eux, s'est fait homme parmi les hommes. Je vous propose le plus beau des enfants des hommes5, Celui qui a été couvert de mépris par les hommes et pour eux, Celui qui, Maître souverain des anges immortels, n'a pas dédaigné de se faire l'esclave des mortels, voilà votre modèle ! Ce n'est assurément pas l'iniquité qui le rendit humble,. mais la charité, « la charité qui ne jalouse pas, qui ne s'enfle pas, qui ne cherche pas son propre avantage6». Loin de chercher à se complaire en lui-même, Jésus-Christ a pu dire en toute vérité : « Les opprobres de ceux qui vous injuriaient sont retombés sur moi7 ». Levez-vous, allez à lui et apprenez qu'il est doux et humble de coeur.
Vous n'irez pas à celui qui, écrasé sous le poids de l'iniquité, n'osait lever les yeux au ciel; mais à celui qui est descendu du ciel, entraîné sous le poids de sa charité8 ! Vous n'irez pas à celle qui arrosa de ses larmes les pieds de son Maître, implorant le pardon pour sa vie criminelle ; mais à Celui qui, en pardonnant tous les péchés, a lavé les pieds de ses serviteurs9. Je connais l'excellence de votre virginité ; voilà pourquoi je ne vous propose pas l'exemple du publicain accusant humblement ses fautes ; mais je crains pour vous le pharisien, tirant vanité de ses mérites[^10]. Je ne vous dis point . Soyez semblable à celle dont il fut dit : « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu'elle a beaucoup aimé »; mais je crains qu'en voyant la légèreté de vos fautes pardonnées, vous n'aimiez que faiblement[^11].
Luc, XVIII, 10 - 14.
Id. VII, 38, 47.
