CHAPITRE XXI. RÉSUMÉ DE CE QUI PRÉCÈDE.
21. Mais, direz-vous, qu'importe cette discussion à la sainte virginité ou à la continence perpétuelle que nous avons à traiter ici ? Je réponds d'abord, ce que j'ai déjà répondu, que la gloire de la virginité est d'autant plus belle que, pour l'acquérir, on s'est élevé au-dessus de l'honneur conjugal, ou, en d'autres termes, que l'on a renoncé au mariage qui pourtant n'est pas un péché. Autrement on ne devrait plus louer la continence perpétuelle, il suffirait de ne pas la condamner, car alors elle deviendrait le moyen nécessaire d'échapper au crime du mariage. Je réponds ensuite que ce n'est point sur des raisons humaines, mais sur l'autorité de l'Ecriture divine, que l'on doit inviter les hommes à cet état de perfection ; comment, dès lors, ne pas insister fortement pour justifier la sainte Ecriture, et empêcher qu'elle paraisse mensongère en quelque point que ce soit? Forcer à la virginité en condamnant le mariage, ce n'est pas plaider sa cause, c'est la compromettre. Comment, en effet, faire croire à la vérité de cette parole : « Celui qui ne marie pas sa fille fait mieux », si l'on ne voit que mensonge dans cette autre qui précède immédiatement : « Celui qui marie sa fille fait bien? » Admettez au contraire que les vierges croient, d'une foi certaine, à l'Ecriture, quand elle affirme que le mariage est bon; vous les verrez aussitôt, s'appuyant sur l'infaillible autorité de cette même Ecriture, s'animer d'une ardeur nouvelle et s'élancer vers le bien supérieur qu'elles ont préféré.
Mais je crois en avoir dit assez sur ce sujet; je crois aussi n'avoir rien négligé pour prouver que cette parole de l'Apôtre : « Je pense que cela est bon pour la nécessité présente », ne peut s'interpréter dans ce sens que la virginité soit pour ce monde préférable au mariage, tandis que pour l'éternité et le siècle futur, virginité et mariage seraient dans un rang de parfaite égalité. Quant à ces autres paroles, relatives aux personnes mariées : « Elles éprouvèrent la tribulation de la chair, mais « je vous épargne1 », je crois avoir démontré qu'elles ne peuvent être interprétées en ce sens que l'Apôtre ait mieux aimé taire qu'affirmer du mariage qu'il est un péché et une cause de damnation. Pour ceux qui ne les comprennent pas, ces deux maximes semblent être deux erreurs diamétralement opposées. Ceux qui prétendent égaler les époux aux vierges interprètent en leur faveur la nécessité présente dont parle l'apôtre ; et ceux qui condamnent le mariage s'appuient sur ces autres paroles « Pour moi, je vous épargne ». Nous appuyant donc sur la foi et sur la saine doctrine des Ecritures, nous disons que le mariage n'est point un péché, et cependant qu'il est un état moins parfait, non-seulement que celui de la virginité, mais même que celui de la viduité. Nous disons que la nécessité présenté pour les époux, sans leur ôter le droit à la vie éternelle, les prive, par le fait même, de cette gloire par excellence réservée à la chasteté perpétuelle. Nous disons que dans cette vie le mariage n'est utile que pour ceux à qui la continence est impossible; nous ajoutons que sans vouloir passer sous silence la tribulation de la chair qui résulté de l'affection charnelle, sans laquelle le mariage n'est pas possible pour les incontinents, l'Apôtre n'en a pas parlé plus longuement, pour épargner ces détails à la faiblesse humaine.
I Cor. VII, 38, 26, 28. ↩
