CHAPITRE XXXIV. QUELLES VIERGES EXHORTONS-NOUS A L'HUMILITÉ.
34. Saint Paul signale des veuves curieuses et causeuses, et il attribue ce défaut à l’oisiveté. «Celles qui restent dans l'oisiveté, dit-il, mettent leur plaisir à aller de maison en maison ; elles ne sont pas seulement oisives, elles sont aussi curieuses et causeuses, et s’entretiennent de ce qu’elles devraient taire». Parlant encore de ces veuves, il avait dit plus haut : « Evitez les jeunes veuves. Comme elles passent leur vie dans tes délices, elles veulent se marier en Jésus-Christ; mais elles sont condamnables parce qu'elles ont violé leurs premiers engagements », c'est-à-dire qu'elles n'ont pas persévéré dans leur première résolution. L'Apôtre ne dit pas que ces jeunes veuves se marient, mais qu'elles veulent se marier. Beaucoup, en effet, renoncent au mariage, non point par fidélité à une belle résolution, mais par crainte d'un déshonneur public. Cette crainte elle-même vient de l'orgueil, qui redoute plutôt de déplaire aux hommes qu'à Dieu. Celles donc qui veulent se marier, mais qui ne le font pas parce qu'elles ne le pourraient impunément, feraient beaucoup mieux de se marier que de, brûler, c'est-à-dire que de sentir la flamme secrète de la concupiscence les dévorer dans leur conscience; d'autant plus qu'elles se repentent de leur engagement et qu'elles ont honte de l'avouer. A moins donc qu'elles ne répriment les élans de leur coeur, à moins qu'à l'aide de la crainte et de la grâce de Dieu elles ne domptent leurs passions, elles doivent être mises au rang des morts. Si elles vivent dans les délices, elles méritent cette dénomination, car on doit alors leur appliquer ce mot de l'Apôtre : « Celle qui vit dans les délices, est réellement morte, toute vivante qu'elle paraisse1 ». Vivent-elles dans le jeûne et les travaux? Alors encore elles doivent être mises au rang des morts, si elles n'usent d'aucune répression à l'égard de leur coeur et si elles s'adonnent à l'ostentation plutôt qu'à la réforme d'elles-mêmes. A de telles vierges c'est en vain que je chercherais à recommander le grand travail de l'humilité; il suffit que leur orgueil soit confondu et tourmenté par les blessures de la conscience.
Il en est de même de celles qui se livrent à l'intempérance, à l'avarice ou à quelqu'autre maladie aussi condamnable. Elles professent la continence corporelle, et leurs moeurs perverses sont en elles une contradiction manifeste. A quoi bon, dès lors, chercher à leur recommander encore le soin important de l'humilité chrétienne? N'iraient-elles pas faire ostentation de leur misère, et ne se contenteraient-elles pas du retard apporté au châtiment qu'elles méritent? Que dire de celles que tourmente le désir de plaire, soit par un vêtement dont leur profession condamne l'élégance affectée, soit par les bandelettes capricieuses dont elles ornent leur tête, soit par les renflements exagérés de leur chevelure, soit par la ténuité des voiles qui laissent apercevoir la vanité de leur coiffure? A ces vierges on ne doit point parler d'humilité; qu'on leur rappelle avant tout les devoirs de la chasteté et les délicatesses de la pudeur.
Présentez-moi une vierge professant la continence perpétuelle, étrangère à tous ces vices et à toutes ces faiblesses, je ne crains plus pour elle qu'une seule chose, l'orgueil; je tremble qu'elle ne s'enorgueillisse de l'heureux état dont elle jouit. Plus elle a de motifs de se complaire en elle-même, plus je crains qu'elle ne déplaise à Celui « qui résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles2 ».
