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Mais parce qu’il faut de la patience pour supporter, jusqu’à la moisson, ce que j’appellerais, si je le pouvais, une séparation non séparée; car l’ivraie est avec le froment, et alors ils ne sont pas encore séparés; mais l’ivraie c’est l’ivraie, et le froment c’est le froment, et alors il y a déjà une distinction; donc parce qu’il faut de la force, implorons-la de celui qui nous a ordonné d’être forts; et, si lui-même ne nous rend forts, nous ne serons point tels qu’il nous veut. Demandons la force à celui qui a dit : « Celui-là sera sauvé qui aura persévéré jusqu’à la fin1»; et de peur de s’affaiblir en s’arrogeant la force, l’âme ajoute aussitôt: « C’est vous, Seigneur, qui êtes ma force; pourquoi une rejeter? pourquoi marché-je dans la tristesse, quand mon ennemi m’afflige? » L’âme recherche la cause de sa tristesse : « Pourquoi, dit-elle, marché-je dans la douleur sous l’oppression de mon ennemi? » Je marche dans la tristesse, mou ennemi me harcèle chaque jour de ses vexations, en me suggérant ce qu’il est mal d’aimer ou mal de redouter; et mon âme, en résistant à cette double suggestion, sans être vaincue, est b néanmoins en danger; alors, saisie de tristesse, elle dit à Dieu: Pourquoi? Qu’elle s’informe près de lui et qu’elle entende ce pourquoi. Elle cherche dans le psaume la cause de sa douleur, en disant: « Pourquoi m’avez-vous repoussée, pourquoi marché-je dans la tristesse ? » Qu’elle l’apprenne d’Isaïe, qu’elle se souvienne du passage que l’on vient de lire : « L’esprit », dit-il, « sortira de moi; et c’est moi qui ai fait tout ce qui respire; j’ai quelque peu contristé ce peuple à cause de son péché; j’ai détourné de lui ma face, et il est devenu triste, et il s’en est allé tout affligé dans sa voie2 ». Quelle est donc ta question: « Pourquoi me repousser? pourquoi marché-je dans la tristesse? » Tu l’as entendu: à cause du péché. La cause de ta tristesse est donc le péché; puisse la justice être la cause de ta joie! Tu voulais du péché sans vouloir souffrir, C’était peu à tes yeux que ta propre injustice, tu as voulu rendre injuste celui-là même dont tu récusais les châtiments, Ecoute cette parole plus équitable d’un autre psaume : « Vos humiliations sont un bien pour moi, afin que j’apprenne votre justice3 ». Dans mon orgueil j’avais appris mes iniquités; que j’apprenne votre justice dans l’humilité. « Pourquoi marcher tristement sous l’oppression de mon ennemi? » Tu te plains de l’ennemi; il t’afflige, en effet; mais tu lui en as donné l’occasion. Et maintenant qu’il y a remède, forme un bon dessein; admets en toi ton roi et bannis le tyran.
