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Que dirai-je de plus ? La croyance de l'Eglise orientale vous est-elle suffisamment révélée par l'enseignement de ces deux hommes d'une sainteté si éclatante, et auxquels la renommée a donné le nom de frères? Dites que vous n'êtes point satisfait. Je puis vous citer le témoignage de quatorze autres évêques orientaux, Euloge, Jean, Ammonianus, Porphyrius, Eutonius, Porphyrius, Fidus, Zoninus, Zoboennus, Nymphidius, Chromatius, Jovinus, Eleuthère, et Clématius. Puisque nous les trouvons siégeant dans le même tribunal, nous pouvons les invoquer comme juges, car ce sont eux qui jugèrent Pélage dans ce concile de Palestine où Pélage ne trouva aucun accusateur, réussit à se faire passer pour catholique, et comme tel fut déclaré absous. Or, s'il n'avait pas hautement condamné en leur présence tous ceux qui soutiennent que « le péché d'Adam n'a nui qu'à son auteur, et non pas au genre humain; que les enfants à leur naissance sont absolument dans le même état qu'Adam avant son péché ; que les enfants morts sans baptême possèdent la vie éternelle », il est certain que ses juges l'auraient solennellement condamné. A quoi donc peut-il vous servir, dans votre état de perplexité, d'en. tasser anses et crochets pour enchevêtrer les choses les plus simples, et obscurcir les faits les plus clairs? N'est-il pas évident que les dépositions de Pélage ont pu être interprétées par les juges dans le sens de la foi catholique, aux yeux de laquelle les exorcismes et le souffle mystérieux déposé sur le front des enfants, ont pour effet de les arracher à la puissance des ténèbres? Est-ce en ce sens que vous rapportez ces mêmes dépositions, ou plutôt que vous les composez? Et cependant vous avez pu dire : «Le péché d'Adam a nui au genre humain, non pas par la transmission, mais l'imitation; d'un autre côté, les enfants à leur naissance ne sont pas dans le même état qu'Adam avant son péché, car Adam pouvait accomplir la loi, et ces enfants ne le peuvent pas ». Et c'est par de telles plaisanteries que Pélage se flatte d'avoir trompé ses juges, que vous l'applaudissez des deux mains et que vous vous riez de ces évêques qui se sont laissé duper par lui? Et ces paroles : «Les enfants, même ceux qui sont morts sans baptême, possèdent la vie éternelle », quelle que soit votre habileté, pouvez-vous donner le change sur leur signification naturelle, ou en couvrir la nudité avec des feuilles de figuier? Pélage, en présence de juges catholiques, pouvait-il ne pas condamner ceux qui tiennent un semblable langage ? Sa propre doctrine, il la condamna devant les hommes pour ne pas être condamné par les hommes. Si cette doctrine n'est pas la vôtre, vous êtes d'accord avec nous. Mais puisque vous n'êtes pas d'accord avec nous, nécessairement vous partagez cette doctrine. Par conséquent, vous êtes condamnés par les juges orientaux, dont la sentence fit trembler Pélage, à tel point qu'il condamna lui-même ceux qui émettent de semblables propositions, sans remarquer que cette condamnation retombait directement sur lui, puisqu'il croyait de, coeur ce qu'il condamnait de bouche. En effet, ses propres lettres nous attestent qu'il est anathématisé par ses propres paroles. Mais, en ce moment, ce n'est point à Pelage que je m'adresse; c'est à vous seul, et je vous demande ce que vous avez à répondre ? Nous avons devant nous tous ces juges orientaux; nous pouvons lire les actes ecclésiastiques dressés par eux. Nous lisons que Pelage fut accusé d'avoir dit que « les enfants non baptisés possèdent la vie a éternelle ». Nous lisons que Pélage condamna tous ceux qui tiennent un semblable langage, et ce fut pour lui le seul moyen d'échapper à l'anathème qui le menaçait. Maintenant qu'avez-vous à répondre ? Les enfants qui meurent sans baptême posséderont ils, oui ou non, la vie éternelle ? Si vous répondez affirmativement, les paroles mêmes de Pélage vous condamneront, et vous serez également condamné par les juges dont il a craint la condamnation. Si vous répondez négativement, veuillez-me dire pour quelle raison l'innocente image de Dieu sera punie par la privation de la vie, si par le fait seul de sa conception elle ne contracte la souillure d'aucun péché. Et si elle contracte cette souillure, pourquoi flétrir du nom de.Manichéens ceux qui croient à cette souillure originelle, et qui auraient condamné Pélage s'il n'avait pas simulé la même croyance?
