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Quant à saint Jean de Constantinople, dont vous faites les plus beaux éloges, dont vous louez la sainteté et la science, et qui a trouvé, dites-vous, toute son autorité et.toute sa gloire dans la conformité de sa doctrine avec la vérité, ne dit-il pas que le péché d'Adam a été d'une telle gravité qu'il a attiré sur le genre humain tout entier une condamnation générale? Il dit que Jésus-Christ a pleuré à la mort de Lazare, parce que notre mortalité s'est précipitée des hauteurs célestes pour s'attacher à son tombeau, et parce que le démon avait rendu mortels des hommes qui auraient pu être immortels. Il dit que l'homme avant son péché exerçait un empire souverain sur les animaux, mais que depuis son péché ces animaux sont pour nous un objet de crainte, et c'est jusqu'à ces extrêmes conséquences qu'il associe tous les hommes au péché de leur premier père. La conclusion toute naturelle que l'on doit en tirer, c'est qu'aucune bête sauvage ne Blesserait les enfants, si leur naissance charnelle ne les engageait pas dans les liens du péché primitif. Dans ce même discours que vous dénaturez pour tromper les faibles, le saint évêque nous dit que Jésus-Christ nous a trouvés engagés dans la sentence de condamnation écrite par Adam, et dans les obligations personnelles que nous avions ultérieurement contractées par nos propres péchés. Il commente ce passage où l'Apôtre résume si bien la question qui nous occupe : «Le péché est entré dans le monde par un seul homme1 ». Il explique également tous les développements donnés par l'Apôtre à cette pensée; et dans cette longue discussion, il n'arrive jamais au saint évêque de dire avec vous que le péché primitif s'est transmis à tous les hommes, non point par la propagation, mais uniquement par l'imitation. Se montrant au contraire parfaitement d'accord avec ses collègues dans l'épiscopat, il prouve le fait de la transmission originelle. En effet, il affirme que toutes choses ont été souillées par le péché du premier Homme, et ne voulant pas que l'on pût en attribuer la cause à l'imitation morale, au lieu de l'attribuer à la génération charnelle, il ajoute qu'Adam a été appelé la forme de l'Adam futur, parce que pour tous ceux qui sont nés de lui, quoique ne mangeant pas du fruit défendu, il est devenu le principe de cette mort, triste résultat de la manducation coupable, comme Jésus-Christ, pour ceux qui sont de lui, quoiqu'ils n'aient accompli aucune justice, devient le principe de cette justice qu'il nous a donnée à tous par sa mort sur la croix. Il dit que cette obstination des Juifs à nier que le monde puisse être sauvé par la vertu seule de Jésus-Christ, doit être victorieusement réfutée, en leur rappelant que c'est par la désobéissance d'un seul que le monde a été condamné. Il dit qu'il ne paraît pas conforme à la raison que l'un soit condamné pour un autre, quoique nous soyons réellement condamnés pour la faute d'Adam; n'est-il donc pas plus facile d'admettre que l'un soit sauvé en considération de l'autre? et c'est ce qui se réalise dans la personne de Jésus-Christ. Or, si l'on admet que le péché du premier homme se transmet à tous ses descendants, non pas par la propagation, mais par l'imitation, peut-on dire encore que l'un est condamné pour la faute de l'autre, puisque chacun n'est plus condamné que pour le propre péché qu'il a commis par sa propre volonté, sans que la génération y ait eu aucune part ? Il dit que la grâce nous justifie, non-seulement du péché originel, mais encore de tous les péchés personnels qui sont ultérieurement survenus. Ne voit-on pas qu'il établit une distinction réelle entre ces péchés ultérieurs commis par voie d'imitation, et ce péché primitif qui se transmet par voie de génération ? Or, la grâce nous justifie des uns et des autres, de telle sorte que, selon la pensée de l'Apôtre, la régénération nous est plus avantageuse que la génération n'a pu nous être nuisible. En effet, l'Apôtre nous dit expressément : « Il n'en est pas de ce don a comme du péché, car nous avons été condamnés par le jugement de Dieu pour un seul péché, tandis que nous sommes justifiés par la grâce après plusieurs péchés2 ». Devant un langage aussi formel de la part de l'Apôtre; devant les explications si claires de l'évêque de Constantinople, que devient votre imitation, cette machination nouvelle de l'erreur de Pélage? Parlant du baptême, l'Apôtre avait dit : a Nous tous qui avons été a baptisés en Jésus-Christ, nous avons été a baptisés dans sa mort 3; le saint évêque nous dit, qu'être baptisé dans la mort de Jésus-Christ, ce n'est rien autre chose que mourir au péché, comme Jésus-Christ est mort dans sa chair. Il suit de là nécessairement, ou bien que les enfants ne doivent pas être baptisés en Jésus-Christ, ou bien, s'ils y sont baptisés, qu'ils sont baptisés dans sa mort. Et puisqu'ils n'ont pas de péchés personnels, peuvent-ils donc mourir au péché, à moins qu'ils ne meurent à ce péché originel, dont la souillure, commune à tous les hommes, est effacée par le baptême?
