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De là cette parole de saint Ambroise, mon docteur favori et à qui vous prodiguez également des éloges plus ou moins sincères : « Qu'est-ce », dit-il, «que le mal, sinon l'absence et la privation du bien ? » Il dit encore, toujours dans son livre sur Isaac et sur l'âme « Le mal est donc sorti du bien. Le mal, sans doute, n'est que la privation du bien ; et cependant c'est par le mal que le bien a revêtu cet éclat que nous lui connaissons. Donc la privation du bien est la racine du mal1 ». Tel est le principe éminemment catholique que saint Ambroise oppose aux Manichéens. Ces hérétiques lui étaient inconnus, fine les nomme même pas dans sa discussion, et cependant il lui suffit de ces deux maximes pour les convaincre d'erreur et de mensonge. Et parce que cet homme éminemment catholique formule la doctrine catholique sur le péché originel, cédant à l'instinct d'une fureur atroce, vous l'accusez indignement de manichéisme, sans doute parce qu'il rend inutile l'appui que vous prêtez à cette erreur, et qu'il fournit aux apologistes catholiques des anges invincibles pour terrasser ces hérétiques. Il s'écrie contre les Manichéens : «Le mal est sorti du bien » ; et, prenant contre lui la défense des Manichéens, vous lui répondez : « Il est nécessaire que celui de qui et par qui naît le fruit mauvais, soit déjà mauvais lui-même ; il n'est pas permis à l'oeuvre du démon de passer par l'oeuvre de Dieu ; la racine du mal ne peut être placée dans le don de Dieu ; la raison des choses ne permet pas que le mal sorte du bien, et l'iniquité de la justice ». Voilà ce que vous répondez eu faveur des Manichéens contre la voix de la vérité catholique, hautement proclamée par le ministre de Dieu. Et si votre réponse était acceptée, les Manichéens, pour s'assurer la victoire, n'auraient plus qu'à répliquer : «Si la raison des choses ne permet pas que le mal sorte du bien » ; Ambroise a tort, et nous avons raison contre lui, quand nous soutenons que les maux n'ont pu sortir que de la nature du mal. Voilà dans duel gouffre vous vous abîmez pour n'avoir point compris cette parole du Seigneur : «L'arbre bon ne porte pas de mauvais fruits ». Vous auriez dû voir que ces mots ne s'appliquent ni à la nature, ni au mariage institué par Dieu lui-même, mais uniquement à la volonté de l'homme, lequel ne saurait faire le mal tant que sa volonté reste bonne.
Chap. VII. ↩
