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Je lis dans votre ouvrage : «Selon la maxime, de l'Evangile : l'arbre doit être reconnu à ses fruits; que devons-nous penser d'un auteur qui affirme que le mariage est bon, et soutient en même temps que ce qui en sort est mauvais ? » Cette réflexion de votre part prouve donc que vous faites du mariage l'arbre bon,d'où ne saurait sortir un fruit mauvais, comme serait l'homme coupable du péché originel. Vous ne remarquez donc pas que si vous faites du mariage l'arbre bon, vous devez logiquement conclure que l'adultère est l'arbre mauvais ? Par conséquent, si celui qui naît du mariage, est le fruit du mariage, et comme tel ne peut qu'être bon et innocent, sous peine d'être obligé de conclure qu'un fruit mauvais sort d'un bon arbre ; on doit conclure que l'enfant qui naît de l'adultère ne doit pas naître innocent, autrement j'en conclurais qu'un fruit bon sort d'un arbre mauvais, ce qui serait contraire à la parole par laquelle le divin Maître affirme qu'un bon arbre ne peut produire de mauvais fruits, et qu'un mauvais arbre n'en peut produire de bons. Pour sortir de là, comme vous soutenez que le fruit même de l'adultère ne saurait être innocent, vous nierez sans doute que l'adultère soit l'arbre mauvais, car autrement vous vous mettriez en contradiction évidente avec le Sauveur qui statue qu'un bon fruit ne saurait sortir d'un mauvais arbre. Niez donc également que le mariage soit un arbre bon, et avouez enfin que vous vous êtes trompé. Vous direz peut-être que ce n'est pas de l'adultère que naît l'homme qui sort de cette union coupable. Et d'où naît-il donc? «De la nature humaine », dites-vous, « car même dans les adultères cette nature est l'oeuvre de Dieu, et non pas leur oeuvre propre ». Mais alors comment donc ne croyez-vous pas que vous avez tout autant de raisons de soutenir que ce n'est pas du mariage que naît l'enfant issu de l'union légitime, mais de la nature humaine qui dans les époux est l'oeuvre de Dieu, et non pas leur œuvre propre ? Par conséquent, on n'aura pas plus de raison d'attribuer à la bonté du mariage le mal que les enfants apportent en naissant et qu'ils doivent à la déchéance de la nature, qu'on n'aurait de raison d'attribuer à l'iniquité des adultères le bien que les enfants apportent en naissant, et qu'ils doivent à l'ordre même de la nature. L'arbre bon, vous le trouvez donc, non point où Jésus-Christ l'a placé, c'est-à-dire dans la volonté bonne, mais dans ce qui est l'œuvre même de Dieu, c'est-à-dire dans le mariage ou dans la nature humaine. Et comme ces oeuvres de Dieu sont bonnes, vous en concluez qu'il ne peut en sortir aucun mal, puisqu'un bon arbre ne saurait produire de mauvais fruits. Et c'est ainsi que vos propres principes viennent puissamment en aide au Manichéen, pour qui il est si doux d'entendre dire que le mal ne peut sortir du bien. II reprend aussitôt et vous dit: Puisque le mal ne peut sortir du bien, d'où sort-il donc, si ce n'est de ce qui est mal? Le mal peut-il donc exister saris qu'une cause ou une autre lui ait donné l'existence? Pour ne point aller contre cette maxime de l'Evangile : Un bon arbre ne produit pas de mauvais fruits, vous affirmez que te mal ne peut sortir du bien. Donc, conclut le Manichéen,. de toute nécessité la nature du mal est éternelle, car il a fallu qu'elle le fût pour pouvoir engendrer le mal, lequel, dites-vous, n'aurait jamais pu sortir du bien.
