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En citant ces paroles de saint Jean de Constantinople, auriez-vous pour but de le mettre en contradiction avec ses collègues, de le séparer de leur communion, de le poser comme leur adversaire ? A Dieu ne plaise que ce grand homme devienne jamais l'objet d'une semblable accusation 1 A Dieu ne plaise que l'évêque de Constantinople, sur l'importante question du baptême des enfants et de leur salut par Jésus-Christ, se soit mis en opposition avec ses nombreux et illustres collègues : le pape Innocent, Cyprien de Carthage, Basile de Cappadoce, Grégoire de Nazianze, Hilaire des Gaules, Ambroise de Milan !
Il est tels et tels points en particulier sur lesquels les plus illustres défenseurs de la règle catholique peuvent se trouver en désaccord et se trouver plus ou moins dans la vérité, sans pour cela que la foi soit aucunement compromise. Mais, quant à la vérité qui nous occupe, elle appartient directement aux fondements mêmes de la foi. Quiconque veut porter atteinte à ces paroles : «La mort est venue par un homme, la résurrection des morts doit venir aussi par un homme. Et comme tous meurent en Adam, tous revivront en Jésus-Christ1 », n'aspire à rien moins qu'à détruire la foi en Jésus-Christ. Il est absolument certain que Jésus-Christ est le Sauveur des enfants ; que s'ils ne sont pas rachetés par lui ils périront, car ce n'est que dans sa chair et son sang qu'ils peuvent avoir la vie. C'est là ce qu'a pensé saint Jean de Constantinople, ce qu'il a cru, ce qu'il a appris, ce qu'il a enseigné. Mais voici que vous interprétez ses paroles dans le sens de votre erreur. Il a dit que les enfants n'avaient point de péchés, c'est-à-dire de péchés propres et personnels. Et c'est à ce point de vue que nous les appelons innocents, selon cette parole de saint Paul, qui déclare que ceux qui ne sont pas encore nés n'ont encore fait ni bien ni mal2; mais non pas selon cette autre parole du même Apôtre, qui affirme d'une manière absolue que « plusieurs sont devenus pécheurs par la désobéissance d'un seul3 ». N'est-ce pas cette même pensée de saint Jean, que saint Cyprien formulait en ces termes: «L'enfant qui vient de naître n'a pas encore péché, et les fautes qui lui sont remises ne sont pas des fautes personnelles, mais des fautes d'autrui4? » Comparant donc ces enfants aux adultes pour qui le baptême efface même les péchés personnels, il a pu dire de ces enfants qu'ils n'ont pas de péché, ce que vous avez tort de traduire en ces termes: «Ils ne sont souillés d'aucun péché », surtout que vous désignez clairement qu'il s'agit là du péché originel lui-même. Faut-il attribuer cette méprise au traducteur, et non pas à vous ? J'y consens, et cependant d'autres exemplaires portent . Quoique ces enfants ne soient pas souillés de péchés ; péchés au pluriel et non pas au singulier. Devrais-je beaucoup m'étonner que l'un ou l'autre de vos sectaires ait adopté de préférence le singulier, afin de mieux indiquer qu'il s'agissait du seul péché qui a fait dire à l'Apôtre : «Car nous avons été condamnés par le jugement de Dieu pour un seul péché; tandis que nous sommes justifiés par la grâce après plusieurs péchés5 ? » Il est clair que ce seul péché dont il s'agit ici, c'est le péché originel, dont certains hérétiques nient absolument l'existence dans les enfants, tandis que l'évêque de Constantinople ne leur refuse que les péchés personnels ; voilà pourquoi il se serait servi du singulier plutôt que du pluriel, tandis que vos adeptes ont préféré traduire par le singulier, afin de rappeler immédiatement à la pensée l'idée du péché du premier homme. Mais il n'entre pas dans notre plan de discuter de simples soupçons, et nous regardons ce texte comme vicié, soit par erreur de la part de l'écrivain, soit par le fait du traducteur. Or, j'ai sous les yeux le texte grec de saint Jean que l'on traduirait littéralement. «Voilà pourquoi nous baptisons les enfants, quoiqu'ils n'aient pas de péchés ». Ce saint évêque n'a donc pas dit des enfants qu'ils ne sont souillés d'aucun péché ; seulement qu'ils n'ont pas de péchés, c'est-à-dire de péchés personnels. Entendue dans ce sens, cette phrase ne donne plus lieu à aucune difficulté. Mais, direz-vous, pourquoi ne s'est-il donc pas servi de ces mots : Péchés personnels? Je réponds : C'est parce que, discutant dans l'Église catholique, sa pensée ne pouvait être interprétée que dans son sens véritable ; personne du reste ne le questionnait dans un sens contraire, et il pouvait parler en toute sécurité, puisqu'on n'avait vu surgir encore aucun ennemi sur ce point.
