11.
« L’homme est semblable au néant1», et néanmoins vous vous révélez à lui, vous l’appréciez. « L’homme est devenu semblable au néant ». A quel néant ? Au temps qui passe et qui s’écoule. Voilà ce que l’on appelle vanité dès qu’on le compare à la vérité, qui demeure toujours, qui est toujours stable. Toute créature visible n’est bonne qu’en son lieu. « Car c’est Dieu », dit l’Ecriture, «qui a as rempli la terre de ses biens2 ». Qu’est-ce à dire de ses biens? De ceux qui lui conviennent. Mais tous ces biens terrestres, volages, passagers, comparés à cette vérité dont il est dit : « Je suis celui qui suis3», tout ce bien qui passe est appelé vanité. Car il s’évanouit avec le temps, comme la fumée dans les airs. Que dirai-je de plus fort que l’Apôtre saint Jacques, lorsqu’il veut contraindre les superbes à s’humilier? « Qu’est-ce que notre vie », dit-il? « Une vapeur qui apparaît un instant pour se dissiper ensuite4 ». Donc l’homme est semblable au néant. Le péché l’a rendu semblable au néant, car au moment de sa création il était semblable à la vérité; mais le péché qu’il a commis, le châtiment qui lui a été infligé, l’ont rendu semblable au néant. « Vous avez châtié l’homme à cause de son iniquité », dit un autre psaume, « et vous avez fait sécher son âme comme l’araignée5». De là aussi : « L’homme est devenu semblable à la vanité ». Qu’ajoute le Prophète dans l’autre psaume? « Vous avez as fait vieillir mes jours6 ». Et ici : « Ses jours passent comme l’ombre ». Que l’homme donc veille sur lui-même dans ces jours qui passent comme l’ombre, afin qu’en soupirant après sa lumière, il fasse des oeuvres qui en soient dignes ; et s’il est dans l’ombre de la nuit, qu’il cherche le jour. Pour l’homme qui comprend son état, les jours de cette vanité sont des jours de tribulation. Soit que les misères et les chagrins nous viennent accabler, soit que les prospérités du monde nous sourient, nous n’en devons pas moins craindre et gémir : « Parce que la vie de l’homme sur la terre est une tentation7». De là cette parole : « Tout le jour je marchais dans l’affliction8 ». Nous avons besoin de consolations, et tout ce que Dieu nous montre en fait de prospérités n’est point pour réjouir les heureux du monde, suais bien pour soulager les malheureux. Que l’homme donc, je le répète, dans ces jours qui sont une ombre, fasse des oeuvres dignes de cette lumière qu’il désire, et dans cette nuit qu’il cherche Dieu, ainsi qu’il est écrit : « Pendant la nuit mes mains ont cherché Dieu en sa présence, et je n’ai pas été déçu9 ». Quel est ce jour qu’il appelle un jour de tribulation, sinon celui qu’il appelle encore la nuit? « Je l’ai as cherché de mes mains pendant la nuit en sa présence ». Nous sommes encore dans la nuit, et nous veillons à la lumière de cette prophétie. Ce que l’on nous a promis, nous l’attendons encore ; mais que dit l’apôtre saint Pierre? « Nous avons d’ailleurs une preuve as plus frappante encore dans les oracles des Prophètes, sur lesquels vous faites bien d’arrêter vos regards comme sur un flambeau qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à paraître et que l’étoile du matin se lève dans nos cœurs10 ». C’est là le jour, c’est là notre jour. « Au matin vous entendrez ma voix, au matin je me tiendrai debout et je vous contemplerai ». Donc, travaille, bien que ce soit la nuit, et cherche Dieu de tes mains, ou par de bonnes oeuvres, avant que ce jour vienne combler ta joie, de peur qu’il n’en vienne un autre pour t’affliger. Vois quelle sécurité dans ton labeur; vois comment ne t’abandonne pas celui que tu cherches : « De mes mains j’ai cherché le Seigneur pendant la nuit en sa présence ». « Afin que ton Père qui voit dans le secret te donne ta récompense11».De là cette expression « en sa présence ». Que la miséricorde et la charité soient dans ton coeur, de peur que tu n’agisses dans l’intention de plaire aux hommes. J’ai cherché Dieu de mes mains, dit le Prophète, par mes oeuvres; le chercher dans l’ombre, ou dans cette vie; où lui-même voit, et non où je chercherais à plaire aux hommes. Qu’ajoute le Prophète ? « Et je n’ai pas été déçu. L’homme est semblable à la vanité, ses jours ont passé comme une ombre», et pourtant vous vous êtes fait connaître à lui, et vous l’estimez.
