16.
De ce premier syllogisme, qui est bien de vous et de vous seul, vous passez à un autre. Vous dites : «La différence des sexes a pour cause le mélange des corps », et vous voulez que je vous concède ce principe. Je vous l'accorde sans peine. Vous ajoutez : «Si l'union des corps est toujours mauvaise, on doit condamner d'une manière absolue la différence des sexes ». Lors même que cette conséquence serait rigoureuse, je n'aurais point à m'en préoccuper, puisque je soutiens que l'union conjugale accomplie en vue de la génération, est, non pas mauvaise, mais bonne et légitime. De plus, je vous fais observer que votre conséquence n'est pas rigoureuse, car, en supposant que l'union des sexes fût toujours mauvaise, il ne s'ensuivrait pas nécessairement que la distinction des sexes le fût également. En supposant même que les hommes fussent tellement subjugués par la concupiscence, que, sans tenir aucun compte de l'honnêteté du mariage, ils se connussent indistinctement et d'une manière véritablement cynique, je dirais encore qu'il ne s'ensuit pas nécessairement que la condition des corps, tels que Dieu les a créés, fût intrinsèquement mauvaise, quoique toute union des sexes fût mauvaise l'adultère n'est-il pas un crime? et cependant l'oeuvre de Dieu dans la constitution des corps n'en reste pas moins bonne. Vous voyez donc que vous ne raisonnez pas dialectiquement, et cependant ce n'est nullement la faute de la dialectique, dont vous foulez indignement aux pieds les règles les plus élémentaires. Vous voyez que vous n'empruntez son langage que pour mieux en imposer aux ignorants et vous faire passer à leurs yeux pour ce que vous n'êtes pas. Fussiez-vous un habile, vous devriez avouer votre néant en face de semblables discussions. Pourtant vous ne seriez ici qu'inepte et ignorant, tandis qu'alors vous seriez un artisan des plus sottement orgueilleux. Et cependant, armé, pour ainsi dire, des traits les plus acérés de la dialectique, vous marchez au combat, et, lançant vos misérables arguments, vous vous écriez: «Si l'union des sexes est toujours mauvaise, la diversité des sexes est donc une difformité sans motif et sans raison ». Puis, voyant fort bien que votre conséquence n'est pas rigoureuse, vous ajoutez : «Vous ne pouvez le nier ». O imprudent que vous êtes, qu'est-ce donc que je ne puis nier? Qu'est-ce? Ce que vous ne pourriez point vous-même ne pas nier, si vous vouliez quelque peu réfléchir, si tard que ce soit. Nierez-vous que l'adultère soit un crime, et cependant en conclurez-vous que le fruit qui en sort est nécessairement difforme et contrefait? L'adultère est mauvais en lui-même, parce qu'il est un crime de la part de ceux qui le consomment ; mais quant au fruit, en lui-même il est bon, parce qu'il est l'oeuvre de Dieu, tirant le bien du mal. Si vous me répondez que, même dans l'adultère, l'union des sexes est bonne, parce qu'elle est naturelle, quoique les adultères en fassent un mauvais usage; pourquoi donc refusez-vous de convenir que la concupiscence peut être mauvaise, quoique les époux en fassent un bon usage quand ils ont en vue la génération? Si l'on peut faire un mauvais usage de ce qui est bon, pourquoi ne pourrait-on pas en faire un bon de ce qui est mauvais ? Ne voyons-nous pas qu'il n'est point, jusqu'au démon lui-même dont l'Apôtre n'ait fait un bon usage en lui livrant l'incestueux de Corinthe, afin de détruire sa chair et de sauver son âme pour le jour du Seigneur1 ? Il en agit de même dans une autre circonstance, afin de rappeler aux fidèles qu'ils ne doivent point blasphémer2.
