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Toutefois, malgré les éloges que vous vous adressez et les injures que vous nous prodiguez, vous ne laissez pas de lutter contre le mal de la concupiscence, et, en luttant ainsi, vous confessez par votre conduite ce que vous niez par votre langage. Vous vous flattez d'être parvenu au sommet de la vertu, et, de ce sommet où vous croyez avoir échappé aux poursuites de la concupiscence, vous combattez comme du haut d'une forteresse, et quelle que soit l'élévation de ce champ de bataille, l'ennemi que vous avez à terrasser est un ennemi tout intérieur. Et cette concupiscence, sous les coups de laquelle vous périrez infailliblement si elle est victorieuse, vous ne craignez pas de la louer au détriment de celui qui, même après vous avoir vaincu, voudrait vous arracher à votre perte. A la fin de ce même livre, ne dites-vous pas que « je n'ai d'autre intention que de faire la guerre aux vertus en faveur des vices; de déployer l'astuce et la fureur pour ruiner la cité de Dieu; de faire sonner bien haut l'impossibilité d'acquérir la chasteté pour effrayer ceux dont le coeur répugne à la honte ; de supposer une puissance extraordinaire à la passion de la volupté, afin de laisser croire que la raison ne peut ni la gouverner ni la dompter, ce qui explique pourquoi la légion même des Apôtres n'a pas craint d'y céder ». Toutes ces propositions que vous me prêtez sont autant de mensonges. Je ne fais pas la guerre aux vertus, mais aux vices, autant du moins que Dieu m'en donne la grâce, et je prêche hautement qu'il faut les combattre sans répit. Si c'est ainsi que vous agissez vous-même, comment donc louez-vous ce que vous combattez? Comment me persuaderez-vous que vous opposez la vertu à des ennemis que vous n'osez attaquer dans vos paroles ? Si nous sommes d'accord pour combattre la concupiscence, pourquoi ne sommes-nous pas d'accord pour la couvrir de honte ? Cette passion, que vous vous flattez de combattre par la continence, pourquoi donc ne voulez-vous pas la condamner par votre doctrine ? Vous m'accusez d'exagérer ses forces jusqu'à soutenir que la raison ne peut ni la diriger ni la dompter. Je n'ai jamais dit que la raison, soutenue et aidée par la grâce divine, ne puisse la diriger et la dompter; mais vous, comment osez-vous nier l'existence d'un mal que nous devons enchaîner, si nous ne voulons pas qu'il nous tue ? Quoiqu'il vous plaise de soutenir le contraire, je crie de toutes mes voix que la légion des Apôtres a toujours lutté et lutte encore contre la concupiscence ; mais vous qui nous reprochez et nous accusez de faire injure aux Apôtres, pourquoi donc ces éloges dont vous couronnez une passion qu'ils ont toujours regardée comme une ennemie ? Et puisqu'ils font regardée comme une ennemie, comment entreprendre sa justification, à moins qu'on ne soit l'ennemi des Apôtres ?
