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Pouvez-vous donc tout à la fois aimer la concupiscence et la haïr, la combattre en vous-même, et prendre contre moi sa défense? La guerre que vous lui faites est invisible, mais votre amitié pour elle est évidente ; l'évidence de celle-ci ne fait-elle pas suspecter les mystères de celle-là ? Comment voulez-vous que nous croyions à la sincérité d'une guerre que vous faites en secret à une chose pour laquelle vous affichez publiquement l'amitié la plus vive? Comment voulez-vous nous faire croire que vous luttez contre l'aiguillon de la passion, quand tous vos livres ne font que redire ses éloges? Mais je veux imposer silence à mes soupçons les plus légitimes; je crois donc que vous combattez ce que vous louez, mais je regrette de vous entendre louer ce que vous combattez. Or, c'est de ce mal, et avec ce mal que l'homme est engendré, quoique vous niiez qu'il en soit délivré par la régénération. Les époux en font un bon usage, mais les vierges font mieux encore de ne pas en user. Or, si l'on doit regarder comme un mal cette concupiscence par laquelle la chair convoite l'esprit, et contre laquelle a lutté, dites-vous, la légion des Apôtres, il est clair que les époux qui en font usage, usent légitimement, non pas d'un bien, mais d'un mal. Par conséquent, tout enfant né de et avec cette concupiscence, doit être régénéré, s'il veut être délivré du mal. Dira-t-on que leurs parents en se faisant régénérer ont été délivrés de ce mal originel ? C'est vrai, mais il n'en est pas moins certain qu'ils l'avaient apporté en naissant. Or, quand ils engendrent à leur tour, est-ce en vertu et avec les caractères de leur génération ou de leur régénération, et alors qu'engendrent-ils? Des coupables, puisqu'eux-mêmes sont nés coupables, et, qu'engendrant en vertu de leur naissance, ils n'ont pu engendrer que ce qu'ils étaient à leur naissance. La régénération n'a fait que les purifier de la faute avec laquelle ils étaient nés. J'en conclus que les enfants engendrés par des parents régénérés ont eux-mêmes besoin de régénération. En effet, ils sont nés de ce mal dont il n'est donné aux époux de faire un bon usage qu'afin que les enfants qui naissent du mariage soient appelés à la régénération. Si vous ne combattez pas contre ce mal, croyez à ceux qui lui font une guerre continuelle; si vous combattez, avouez donc qu'il est pour vous un adversaire ; enfin, gardez-vous, en louant cette maladie, de l'avoir comme amie, quand en la combattant vous la reconnaissez pour ennemie.
