53.
«Dans l'adultère », dites-vous, «l'enfant naît de la fécondité naturelle de ses parents, et non de la honte même du crime »; vous dite vrai, et j'ajoute pour la même raison : Quand les époux engendrent, l'enfant naît de la fécondité naturelle de ses parents, et non de l'honnêteté même du mariage. Si, dans ce dernier cas, vous donnez pour causes de la naissance la fécondité et l'honnêteté, soyez logique, et, dans le premier cas, joignez également la honte à la fécondité. Remarquez toutefois que le fruit immédiat du mariage en lui-même, ce n'est point précisément la génération des enfants qui peuvent naître aussi bien de l'adultère, triais la naissance légitime de ces enfants. Comment donc accusez-vous de fausseté évidente cette partie de ma proposition où j'ai dit que « l'honnêteté da mariage n'est nullement compromise par le mal originel qui en découle ordinairement?» N'ai-je pas prouvé que ce mal, contre lequel vous combattez, les époux en ont fait un bon usage pour vous donner l'existence, et que pourtant ce mal vous est transmis et vous souille jusqu'à votre régénération ? De là je conclus tout à la fois que les époux qui font un usage légitime de ce mal ne doivent pas être inculpés, et que les enfants doivent recevoir la régénération pour être délivrés de ce mal.
Si le bien du mariage ne consistait que dans le bon usage du bien, il y aurait de quoi s'étonner que le mal pût en résulter; quand, au contraire, nous disons que le bien du mariage consiste dans le bon usage du mal, on n'est plus étonné que de ce mal, dont le mariage fait un bon usage, sorte ce mal que nous appelons le mal originel. Les apôtres étaient la bonne odeur de Jésus-Christ; comment donc étaient-ils l'occasion du bien pour les uns, et l'occasion du mal pour les autres? Pour les uns ils étaient l'odeur de la vie pour la vie, et pour les autres l'odeur de la mort pour la mort1; pourtant cette odeur n'était pas l'usage du mal, mais du bien. En effet, ils étaient l'odeur de Jésus-Christ, parce qu'ils faisaient un bon usage de la grâce de Jésus-Christ. De votre part, c'était donc une erreur de soutenir que « si le mal se transmet par le mariage, celui-ci peut être accusé et ne saurait être excusé ». Si le mariage est là cause occasionnelle de la transmission du péché originel, n'est-il pas aussi la cause d'un grand bien, je veux dire la naissance légitime des enfants? Remarquez que si le mal se transmet, ce n'est pas parce que le mariage est bon, mais parce que, dans le mariage, quoique bon, on fait usage du mal. L'union nuptiale a été établie, non pas comme vous le pensez, à cause de la concupiscence de la chair, mais à cause du bien qui doit sortir de ce mal. Ce bien se serait également produit, mais alors sans aucun mal, si le péché n'avait point été commis. Depuis le péché il en est autrement, et cependant ce bien n'est pas devenu un mal. De même le mal n'existerait pas, s'il n'y avait eu aucun bien, et le mal n'en devient pas pour cela un bien. L'oeuvre de Dieu est bonne dans la nature, et cependant sans cette oeuvre il n'aurait pu y avoir de volonté mauvaise. Ainsi donc, de même que l'adultère suppose nécessairement le bien de la nature, sans que pour cela il devienne un bien ; de même le mariage est inséparable de la concupiscence, sans que pour cela il devienne un mal. Par conséquent, lors même que je vous concéderais que « toute cause du mal est mauvaise », je n'aurais rien avancé contre le mariage, car il n'est pas la cause du mal. Ce n'est pas le mariage qui a produit le mal de la concupiscence; au contraire, il est destiné à faire faire du mal un bon usage.
II Cor. II, 15, 16. ↩
