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Mais comment ne pas sourire de mépris quand je vous entends soutenir que, «suivant les traces d'Epicure, je brise toutes les rênes a au moyen desquelles on pouvait enchaîner les passions ? » Mais alors que diriez-vous donc si je me faisais le panégyriste de la volupté charnelle ? Ce que faisait Epicure sous des formes grossières, vous le faites avec toutes les pompes de l'éloquence, et vous vous dites encore son adversaire? Pour l'être, il vous suffit donc de mettre des formes là où il ne savait en mettre. Je crois donc que, malgré tous vos efforts, vous n'arriverez jamais à persuader que vous êtes l'ardent approbateur de la volupté, sans être épicurien. Tenez, ménagez vos efforts, je me charge moi-même de vous débarrasser de tous ces soucis. Vous n'êtes pas épicurien, parce qu'Epicure faisait consister tout le bien de l'homme dans la volupté du corps,.tandis que, pour vous, la partie principale du bien de l'homme réside dans la vertu; par malheur vous ignorez que la véritable vertu, c'est la vraie piété. En effet, Dieu dit à l'homme : «Sachez que la, piété, c'est la sagesse1 ». Et cette sagesse, d'où petit-elle venir à l'homme, si ce n'est de Celui dont il est écrit : «Le Seigneur rend sages les aveugles2 » ; et encore : «Si quelqu'un désire la sagesse, qu'il la demande à Dieu3? » Si donc vous n'êtes pas épicurien, quoique vous ayez emprunté à Epicure quelques-uns des éloges qu'il fait de la volupté, combien moins le suis-je moi-même, qui pense de la volupté charnelle ce qu'en pensait saint Ambroise4 ; c'est-à-dire que cette volupté est ennemie de la justice, et que l'homme, formé par la volupté de la concupiscence, subit, avant de naître, la contagion du mal. Quant à nos moeurs particulières, ceux qui vivent au milieu de nous peuvent dire quelle est notre vie. Nous traitons en ce moment du dogme catholique et de la foi, gardez-vous des hontes de l'apostasie. Ce qui m'effraie, ce n'est point votre langue de censeur. Ce que j'enseigne aux hommes, je l'ai appris dans les lettres apostoliques, à savoir : «Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous5 ». J'avoue qu'au milieu du peuple et avec le peuple je n'hésite point à frapper ma poitrine, et à dire en toute vérité : «Pardonnez-nous nos offenses6 ». Ne profitez pas de ces paroles pour nous insulter, car vous êtes hérétiques précisément parce que ce langage vous déplaît. Toute notre confiance repose sur l'infinie miséricorde de Dieu ; la vôtre, vous la fondez sur votre fausse vertu. Vous prétendez que la grâce de Dieu est distribuée à chacun selon ses propres mérites; vous savez cependant que Pelage ne s'est soustrait à l'anathème dont le menaçaient les évêques catholiques qu'en condamnant cette proposition ; pour nous, nous affirmons que la grâce est conférée gratuitement, de là son nom de grâce ; nous ajoutons que cette grâce est. le principe des mérites de tous les saints, selon cette parole de l'Apôtre : «C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis7 ». Et telle est pour vous la cause de ces railleries injurieuses et de ces mépris orgueilleux dont vous essayez de nous couvrir. En effet, nous sommes devenus un objet d'opprobre pour ceux qui sont dans l'abondance, et de mépris pour les orgueilleux8. Vous dédaignez le conseil du pauvre, parce que le Seigneur est toute son espérance9.
