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Pourquoi donc, à l'aide de quelques-unes de mes paroles prises indistinctement dans mon livre, cherchez-vous à dénaturer ma pensée, en me prêtant tin langage comme celui-ci: «Autre était l'institution du mariage avant le péché d'Adam, car alors on n'y trouvait ni la concupiscence, ni le mouvement des corps, ni la nécessité des sexes? » Arrachez au mariage la concupiscence par laquelle la chair convoite contre l'esprit, arrachez le mal contre lequel vous soutenez des combats si glorieux par la vertu de continence, et vous retrouverez le mariage tel qu'il pouvait être avant le péché de nos premiers parents. Quel mariage pourrait-on concevoir en dehors de tout mouvement des corps et de toute distinction des sexes? Quant à la lutte qu'éprouvent tous les hommes chastes, qu'ils vivent dans la continence ou dans le mariage, nous disons qu'elle était inconnue dans le paradis terrestre avant le péché. Alors comme aujourd'hui le mariage existait., seulement il n'avait point à faire usage du mal dans la génération des enfants, tandis que maintenant le mal de la concupiscence s'impose à lui, et il lui faut en faire un bon usage. Malgré la présence de ce mal, le mariage n'a point perdu ce qui faisait sa bonté intrinsèque, je veux dire la chasteté conjugale, la fidélité sacramentelle et la fécondité. En dehors de cette concupiscence, l'époux resterait uni à son épouse en vue de la génération ; mais ils n'éprouveraient pas dans leur chair les mouvements de la passion honteuse ; la volonté jouirait de son empire dans une tranquillité parfaite, et règnerait en souveraine sur tous les membres.
