42.
Réfléchissez donc, je vous prie, et pour que la vérité puisse remporter sur vous une salutaire victoire, la seule que vous puissiez désirer, voyez de notre enseignement ou du vôtre lequel mérite votre confiance. Dans votre livre, dites-vous, vous vouliez « simplement avertir le lecteur de sonder ses propres convictions». Puis, résumant brièvement ce conseil, vous ajoutez: «Celui qui, dans la concupiscence, conserve le mode légitime, use bien de ce qui est bon; celui qui ne conserve pas ce mode, use mal de ce qui est bien; enfin celui qui, par amour pour la sainte virginité, méprise tout mode; même légitime, celui-là refuse ce qui est bien pour parvenir à ce qui est mieux; telle est », dites-vous, «la confiance que lui inspire son salut et sa force, qu'il a cru devoir mépriser les remèdes, pour pouvoir soutenir de glorieux combats ». A cela je réponds : Celui qui observe le mode de la concupiscence, use bien du mal; celui qui ne l'observe pas, use mal du mal, et celui qui, par amour pour la sainte virginité,, méprise là mode, même légitime, se refuse à l'usage du mal pour s'attacher à ce qui est plus parfait; car telle est la confiance que lui inspire la grâce et le secours divins, qu'il n'a pas hésité à mépriser les remèdes infimes pour pouvoir soutenir de glorieux combats. Toute la question actuellement débattue entre nous consiste à savoir si, en usant de la concupiscence, on use d'un bien ou d'un mal. Sur ce point surtout je serais heureux d'apprendre que vous acceptez comme arbitres ces juges éminents dont j'ai constaté, dans mes livres précédents, la science profonde, et les enseignements impartiaux et péremptoires. Cependant, si vous ne vous corrigez pas, je ne doute pas que vous ne soyez disposé à préparer contre eux, sinon un réquisitoire, du moins d'amers reproches; entre vous et moi, c'est donc vous que je prendrai pour arbitre, et sans chercher partout ailleurs votre jugement, je le trouverai dans votre livre, je le trouverai dans ce passage même. N'avez-vous pas dit que, «pleine de confiance dans son salut et dans sa force, la sainte virginité avait méprisé les remèdes à la concupiscence, pour pouvoir soutenir les glorieux combats ? » Je demande quels remèdes elle a méprisés? Le mariage, me répondrez-vous. Mais contre quelle maladie ce remède est-il donc nécessaire? Tout remède n'implique-t-il pas l'idée d'un principe ou d'un moyen de guérison? L'un et l'autre nous voyons donc dans le mariage un remède ; mais alors, pourquoi louez-vous la maladie de la passion, quand il vous est prouvé qu'elle conduit à la mort, à moins qu'elle ne soit contre-balancée ou par le frein de la continence, ou par le remède du mariage? Précédemment déjà j'ai vivement applaudi à la distinction que vous établissez entre les voluptueux et les continents par rapport à la pudeur conjugale, quand vous disiez de cette dernière qu'elle alimente le foyer, de ses chastes mains, et qu'elle prodigue les éloges à ceux qui n'ont pas besoin de ce remède. Je répète ce que j'ai dit ; de votre côté veuillez entendre de nouveau la réponse claire et péremptoire que je vous ai faite. «Quand j'affirme de la concupiscence qu'elle est une maladie, comment osez-vous le nier,vous qui ne craignez pas d'avouer que le mariage est pour elle un remède nécessaire ? Vous avouez le remède, avouez donc aussi la maladie, et si vous niez la maladie, niez également le remède. Je vous en prie, cédez quelquefois du moins à la vérité qui s'échappe de vos lèvres ; jamais personne ne prépare de remède pour la santé1 ».
Plus haut, II. 29. ↩
