2.
Pour ce qui regarde la personne des juges, vous affirmez n'avoir pu traiter votre cause, car pour entrer dans l'examen des choses douteuses, il faut y apporter un esprit étranger à tout sentiment de haine, de colère et d'amitié ; or, ajoutez-vous, telles n'étaient pas les dispositions de ceux qui ont prononcé sur votre cause, puisque avant de la connaître ils avaient commencé par la haïr. Répondant à cette objection dans le livre précédent1, je vous ai dit : Si vous requérez des juges tels que Salluste nous les dépeint, n'êtes-vous point forcé d'avouer qu'au moment où ils formulaient leur croyance sur la matière qui nous occupe, saint Ambroise et ses collègues, réalisaient les conditions posées par Salluste2, et n'éprouvaient à votre égard ni haine, ni amitié, ni colère, ni miséricorde pour vous ou contre vous ? Et aujourd'hui, non contents de les récuser comme juges, vous osez les regarder comme des coupables ! Mais de grâce, dites-moi donc comment ces évêques, qui ont condamné votre hérésie, ont pu la haïr avant de la connaître ? S'ils la haïssaient, c'est assurément parce qu'ils la connaissaient. lis savaient qu'à vous en croire, les enfants naîtraient sans péché, et n'auraient aucun besoin de se purifier dans la régénération? Ils savaient qu'à vous en croire Dieu n'accorderait sa grâce que selon nos mérites, de telle sorte que la grâce ne serait plus grâce3, puisqu'elle ne serait plus donnée gratuitement, et ne serait plus qu'une véritable dette? Ils savaient qu'à vous en croire l'homme pourrait vivre ici-bas sans aucun péché, de telle sorte qu'il n'y aurait aucune nécessité pour lui de répéter avec toute l'Eglise cette parole de l'Oraison dominicale : «Pardonnez-nous nos offenses4 ?» Ils vous connaissaient toutes ces erreurs, et les poursuivaient d'une haine trop méritée? Qu'ils apprennent aujourd'hui qu'ils vous ont convertis, et ils vous aimeront. «Quiconque », dites-vous, «admet que l'homme est doué du libre arbitre, et qu'il a été créé par Dieu, est par le fait même Pélagien et Célestien » ; c'est une erreur, car tout Pélagien et tout Célestien refuse à la grâce de Dieu la liberté à laquelle nous sommes appelés, soutient que Jésus-Christ n'est pas le libérateur des enfants, et que les justes en cette vie n'ont besoin de s'appliquer aucune des demandes de l'Oraison dominicale. Tels sont les titres à fournir pour porter le nom de cette erreur, et avec son nom, pour participer à son crime.
