17.
Il y a du reste bien des moyens de découvrir les hérétiques cachés, sans outrager la foi catholique ni approuver l'impiété hérétique.
Mais s'il était impossible d'arracher à des ténèbres l'impiété hérétique, sans faire dévier la langue catholique du chemin de la vérité, mieux vaudrait laisser celle-là dans son obscurité, que de compromettre celle-ci; mieux vaudrait voir les renards cachés dans leurs terriers, que les chasseurs tomber à leur poursuite dans le fossé du blasphème; voir la perfidie des Priscillianistes se couvrir du voile de la vérité, que la foi des catholiques reniée par des croyants, pour être louée par des hérétiques menteurs. En effet, si des mensonges, non pas ordinaires, mais blasphématoires, sont licites, justes parce qu'on. les emploie pour découvrir des hérétiques cachés, l'adultère pourra aussi devenir chaste si on le commet dans la même intention. Par exemple: qu'une femme, une Priscillianiste impudique, jette les yeux sur quelque Joseph catholique et s'engage à lui découvrir les retraites des membres de la secte, s'il consent à commettre le crime avec elle, et qu'il soit certain qu'elle tiendra sa promesse si on lui accorde ce qu'elle demande: quoi ! penserons-nous qu'il faille accepter ? ne sentirons-nous pas qu'on ne peut pas acheter un tel profit à un tel prix? Pourquoi donc ne pas découvrir et attirer des hérétiques par un adultère charnel, et croire que cela soit permis au moyen de l'adultère du blasphème? Ou l'on justifiera au même titre ces deux actes, sous prétexte qu'ils ne sont plus criminels dès qu'ils ont pour but de découvrir des criminels; ou si la saine doctrine défend d'avoir commerce, au moins de corps, sinon d'esprit, avec des femmes impudiques, même pour découvrir des hérétiques, elle nous interdit également de professer dans le même but, sinon de coeur, au moins de bouche, une immonde hérésie, ou de blasphémer la chaste religion catholique. Car l'âme elle-même, cette souveraine à qui tous les mouvements inférieurs doivent obéir chez l'homme, subit toujours un grave outrage, quand un membre ou la voix se prêtent à un acte coupable. Du reste, ce qui se fait par la parole, se fait par un membre, puisque la langue, instrument de la parole, est un membre; et aucun de nos membres n'accomplit un acte qui n'ait d'abord été conçu dans le coeur; ou plutôt l'acte déjà enfanté au dedans par la pensée et le consentement, ne fait que paraître au dehors par l'entremise du membre. L'âme n'est donc point excusée d'un action quand on dit que cette action ne vient pas du cœur : car elle n'aurait pas eu lieu, si le cœur ne l'avait décidé.
