25.
Je n'ai point entrepris ici la tâche qui t'incombe particulièrement, à toi qui as découvert les secrets des Pricillianistes, en ce qui concerne leurs dogmes menteurs et pervers ; il ne faut pas que tes recherches aient l'air d'aboutir- à enseigner cette doctrine, et non à la réfuter. Travaille donc au contraire de plus belle à la combattre et à lui donner le coup de la mort, comme tu as su la démasquer et la mettre au grand jour. Qu'en cherchant à pénétrer les ruses de ces sectaires, nous ne laissions pas croire que leurs mensonges sont irréfutables, alors que notre devoir est plutôt de détruire les erreurs dans le coeur de ceux qui se cachent, que de découvrir les menteurs en ménageant leurs erreurs. Or parmi leurs dogmes à détruire, en voici un qu'ils proclament ouvertement : que c'est un devoir pour les hommes pieux de mentir pour cacher leur religion, et de mentir, non-seulement en matières étrangères et qui ne tiennent point à l'enseignement religieux, mais même sur la religion, dans le but de la cacher aux étrangers, en sorte qu'un chrétien doit renier le Christ, pour rester chrétien en secret parmi des ennemis. Détruis, je t'en conjure, ce principe impie et criminel, à l'appui duquel ils argumentent et citent des témoignages des Ecritures qui sembleraient présenter le mensonge , non-seulement comme excusable ou tolérable, mais comme honorable. A toi revient la tâche, quand tu réfutes cette secte détestable, de démontrer que ces témoignages de l'Ecriture doivent être interprétés, de faire voir ou que ce ne sont pas des mensonges, si on les prend dans leur vrai sens, ou qu'il ne faut pas les imiter, si ce sont réellement des mensonges, ou tout au moins qu'on ne doit jamais mentir en tout ce qui touche à la religion. C'est ainsi qu'en détruisant leurs subterfuges, on les anéantit complètement; il en résulte que bien loin de les suivre, on se met d'autant mieux en garde contre eux, qu'ils professent eux-mêmes qu'ils mentent pour cacher leur hérésie. C'est sur ce terrain d'abord qu'il faut les battre; c'est là le premier retranchement à attaquer et à renverser par la force de la vérité. Il ne faut pas leur fournir un autre refuge qu'ils n'avaient pas encore; il ne faut pas que, quand ils seront trahis par ceux qu'ils cherchent à séduire, ils puissent dire: nous avons voulu les éprouver, puisque des sages catholiques enseignent qu'il faut employer ce moyen pour découvrir les hérétiques.
Mais je dois insister avec quelque détail et expliquer pourquoi je dis qu'il y a trois manières de discuter avec ceux qui cherchent à justifier leurs mensonges par le témoignage des saintes Ecritures. Nous devons donc d'abord faire voir que souvent ce que l'on croit mensonge ne l'est pas, quand on le prend dans son véritable sens ; secondement que s'il y a évidemment mensonge, on doit se garder de l'imiter; et en troisième lieu, à l'encontre de toutes les opinions qui permettent à l'homme de bien de mentir en certains cas, nous devons établir comme un point incontestable, qu'il n'est jamais permis de mentir en matière de religion. Ce sont là en effet les trois points que, je t'ai signalés tout à l'heure en t'imposant, en quelque sorte, l'obligation de les traiter.
