32.
Si nous lisons que Dieu récompensa les sages-femmes juives1 et Rahab, la prostituée de Jéricho2, il ne faut pas croire que ce soit à cause de leurs mensonges, mais bien à cause de leur coeur compatissant. Ce n'est pas la supercherie, mais la bienveillance, qui a été récompensée en elles; c'est la bonté du cœur, et non l'injustice du mensonge. En effet, comme il ne serait ni étonnant ni absurde que Dieu leur eût pardonné les péchés antérieurs en considération de bonnes œuvres qui auraient suivi ; ainsi ne doit-on pas être surpris que dans le même moment, dans la même circonstance, voyant les deux choses à la fois, c'est-à-dire l'acte de compassion et l'acte de mensonge, il ait récompensé le bien et pardonné le mal en considération du bien, car si des péchés inspirés par la concupiscence de la chair, et non par l'esprit de compassion, sont remis en vue d'oeuvres de miséricorde qui se feront plus tard; pourquoi des péchés inspirés par l'esprit de miséricorde ne seraient-ils pas pardonnés en considération d'oeuvres de miséricorde ? Un péché commis dans l'intention de nuire est plus grave qu'un péché commis dans le but de venir en aide. Or si celui-là est effacé par une oeuvre de miséricorde qui vient après, pourquoi celui-ci, qui est plus léger, ne serait-il pas effacé par le sentiment de compassion qui l'a inspiré d'abord, et accompagné ensuite ? On peut certainement le croire.
Néanmoins autre chose est de dire : J'ai eu tort de pécher, mais je ferai des oeuvres de miséricorde pour effacer mes fautes passées, autre chose de dire : Je dois pécher, parce que je ne saurais autrement exercer ma compassion. Autre chose, encore une fois, est de dire: Puisque nous avons péché, faisons le bien; autre chose de dire : Péchons pour faire le bien. Là c'est dire: Faisons le bien parce que nous avons fait le mal; ici c'est dire : « Faisons le mal pour qu'il en arrive du bien3 ». Là on cherche à épuiser la sentine du péché; ici on a à se tenir en garde contre la doctrine du mal.
