8.
Vois maintenant combien le mensonge des Priscillianistes est moins coupable que le nôtre, quand ils savent qu'ils déguisent leur pensée, eux que nous prétendons délivrer par notre mensonge des erreurs dont ils sont séduits. Le priscillianiste dit que l'âme est une partie de Dieu, de même nature et de même substance que lui. Voilà un grand, un abominable blasphème. Car il s'ensuivrait que la nature divine est enchaînée, jouée, trompée, troublée, déshonorée, condamnée et livrée aux supplices. Mais si celui qui veut, par le mensonge, arracher un homme à une telle erreur en dit tout autant: voyons quelle différence il y aura entre ces deux blasphémateurs. — Une grande, dis-tu; car le priscillianiste croit ce qu'il dit, et le catholique le dit sans le croire. — L'un blasphème donc à son insu, et l'autre avec connaissance de cause; l'un parle contre la science, l'autre contre sa conscience; l'un est assez aveugle pour croire le faux, mais il a du moins l'intention de dire le vrai; l'autre connaît la vérité en secret, et exprime volontairement l'erreur. — Mais, dis-tu, le premier enseigne pour attirer des partisans à ses erreurs et à ses folies; le second emploie ce langage pour sauver les victimes de l'erreur et de la folie. — J'ai déjà montré plus haut quel grand dommage résultera de ce dont on espère un profit. Mais à prendre la question au point de vue du anal actuel (car le bien que le catholique se propose dans la conversion de l'hérétique est incertain), lequel des deux est le plus coupable de celui qui trompe un homme sans le savoir, ou de celui qui blasphème Dieu avec connaissance de cause ? Evidemment la réponse ne saurait être douteuse pour quiconque, dans sa pieuse sollicitude, met Dieu au-dessus de l'homme. De plus, s'il faut blasphémer Dieu pour amener les hommes à le louer, il est hors de doute que notre doctrine et notre exemple les invitent tout à la fois à le louer et à le blasphémer: puisque si nous réussissons, en blasphémant Dieu, à les engager à louer Dieu, ils apprendront de nous, non-seulement à le louer, mais encore à le blasphémer. Voilà le service que nous rendons à ceux que nous arrachons à l'hérésie, en blasphémant, non par ignorance, mais sciemment. Et quand l'Apôtre livre des hommes à Satan pour qu'ils apprennent à ne point blasphémer1 ; nous nous efforçons d'arracher des hommes à Satan pour apprendre à blasphémer, non plus par ignorance, mais avec connaissance de cause; et nous, leurs maîtres, nous nous faisons ce tort immense de devenir blasphémateurs de Dieu (ce qui est une chose certaine) pour gagner des hérétiques, afin de redevenir, pour les délivrer (ce qui est une chose incertaine) des prédicateurs de la vérité.
I Tim. I, 20. ↩
