5.
« Vous avez compris de loin mes pensées; vous avez recherché ma route et mon gîte, et prévu toutes mes voies1. Que veut dire de loin ? Quand je suis encore dans mon exil, avant que je sois arrivé à cette patrie bienheureuse, vous avez connu mes pensées. Vois ce plus jeune fils dans l’Evangile: c’est lui qui est devenu le corps de Jésus-Christ, puisque l’Eglise est venue de la gentilité. C’est ce plus jeune fils qui s’en était allé au loin. Le père de famille avait en elfet deux fils; l’aîné ne s’était pas éloigné, mais il travaillait dans les champs: il est la figure de ces saints personnages de la loi qui accomplissaient les préceptes et les oeuvres de la loi. Quant au reste des hommes, ils s’en étaient allés bien loin, se plongeant dans l’idolâtrie. Quoi de plus éloigné de celui qui t’a fait, que l’image que tu viens de faire? Le plus jeune des fils s’en alla donc, emportant son bien, comme nous l’apprend l’Evangile, et le dissipant en profusions avec des femmes débauchées: pressé par la faim, il s’attache à un prince de ces contrées; et celui-ci l’envoya paître les pourceaux auxquels il enviait leur nourriture, sans pouvoir s’en rassasier.
Accablé par le labeur, la misère, la tribulation, l’indigence, il se souvint de son père, et voulut revenir à lui ; et il se dit: « Je me lèverai, et j’irai à mon Père». « Je me lèverai», dit-il, car il s’était assis. Reconnais-le donc, c’est lui qui dit ici : « Vous avez connu quand je me suis assis, et quand je me suis levé ». Je me suis assis dans l’indigence, et je me suis levé en désirant votre pain. « Vous avez compris de loin mes pensées ». Car je m’étais éloigné de vous, mais où n’est point celui que j’avais abandonné? « Vous avez compris de loin mes pensées ». Aussi le Seigneur dit-il dans l’Evangile, que son Père alla au-devant de lui quand il revenait2; parce qu’il avait parfaitement compris de loin ses pensées. « Vous avez recherché ma route et mon gîte » . « Ma route », dit le Prophète: quelle route, sinon cette route funeste qu’il avait suivie pour s’éloigner de son père, comme s’il eût pu se cacher et se dérober àsa vengeance? Aurait-il été réduit à cette misère, en serait-il venu à garder les pourceaux, si son père n’eût voulu le châtier de loin, afin de le recevoir et l’embrasser de tout près? C’est donc un fugitif qui parle ici, un fugitif pris au fait, et poursuivi par la juste vengeance d’un Dieu qui châtie nos affections secrètes, quelque part que nous allions, quelque lointaine que soit notre fuite; c’est, dis-je, un fugitif pris au fait qui s’écrie: « Vous avez connu ma route et mon joint d’arrêt ». Qu’est-ce à dire, mon sentier? le sentier de mes égarements. Qu’est-ce à dire, mon point d’arrêt? jusqu’où je me suis avancé. « Vous avez connu mon sentier et mes bornes ». Ce point d’arrêt, tout éloigné qu’il fût, n’était pas loin de vos yeux. Je m’étais écarté bien loin et néanmoins vous étiez là. « Vous avez recherché mon sentier, et mon point d’arrêt».
