9.
« J’ai péché contre vous, contre vous seul, j’ai commis le mal en votre présence1», Que veut dire cette parole? Est-ce que l’adultère de cette femme et le meurtre du mari ne furent connus d’aucun homme2? Tous ne savaient-ils point le crime de David? Que signifie : « J’ai péché contre vous seul, j’ai commis le mal en votre présence? » C’est que Dieu seul est sans péché. Celui-là seul punit avec justice, qui n’a rien en soi que l’on doive punir: il peut reprendre justement, celui en qui l’on ne peut rien reprendre. « J’ai péché contre vous seul, j’ai commis le mal en votre présence; en sorte que vos paroles seront justifiées et que vous vaincrez quand vous serez jugé ». A qui s’adressent ces dernières paroles, mes frères? il est difficile de le voir. Assurément le Prophète s’adresse à Dieu, et il est évident que Dieu le Père n’a pas été jugé. Qu’est-ce à dire: « J’ai péché contre vous seul, j’ai commis le mal en votre présence, en sorte que vous serez justifié dans vos discours, et que vous vaincrez quand vous serez jugé? » Le Prophète voit dans l’avenir le juge suprême qui sera jugé, le juste que jugeront les pécheurs, et qui sera vainqueur, parce qu’il n’y aura en lui rien de condamnable. Seul de tous les hommes, l’Homme-Dieu a pu dire avec vérité: « Si vous trouvez en moi un péché, dites-le ». Mais il y avait peut-être en lui quelque faute qui échappait aux hommes, et alors ils ne pouvaient trouver en lui ce qui existait réellement, bien que d’une manière cachée? Il dit ailleurs: « Voici le Prince de ce monde », celui dont l’oeil perçant voit les péchés de tous : « Voici le prince de ce monde», ce préposé de la mort qui en frappe tous les pécheurs : « Car la mort n’est entrée dans l’univers entier que par la jalousie du démon3 » ; « voici donc le m prince de ce monde » (disait Jésus-Christ la veille de sa passion), « et il ne trouvera rien en moi », rien de coupable, rien qui soit digne de mort, rien qui mérite condamnation. Et comme si on lui demandait: Pourquoi donc mourez-vous? il continue en disant: « Mais afin que le monde connaisse que je fais la volonté de mon Père, levez-vous, sortons d’ici4 ». Je souffre, dit-il, sans le mériter, pour ceux qui le méritent, afin de faire vivre en moi ceux pour qui j’endure si injustement la mort. C’est donc à ce juste sans péché que s’adresse David, quand il dit: « J’ai péché à l’encontre de vous seul, j’ai fait le mal en votre présence, en sorte que vous serez justifié dans vos paroles, et vainqueur quand on vous jugera ». Vous êtes bien supérieur à tous les hommes, à tous les juges, et quiconque se croit juste, n’est qu’injuste auprès de vous; vous seul jugez dans la justice, et l’on vous a jugé injustement, vous qui aviez le pouvoir de donner votre vie, comme le pouvoir de la reprendre5. Vous triomphez donc alors qu’on vous-met en jugement. Vous surpassez tous les hommes, parce que vous êtes plus que tous les hommes, et que c’est par vous que les hommes ont été faits.
