XIV.
Réveillant vos souvenirs, vous nous objectez cette parole du Seigneur: « Vous ne tuerez pas l'innocent, ni le juste ». Si vous êtes innocent et juste, pourquoi donc vous suicider vous-même? Nous ne vous croyons ni innocent, ni juste , et cependant nous ne voulons pas que vous vous donniez la mort; vous vous décernez un brevet d'innocence et de justice et vous n'épargnez ni l'innocent ni le juste. Vous l'avez dit vous-même : « Il est certain que celui qui absout un coupable et celui qui tue un innocent, sont, au jugement de Dieu, convaincus du même crime ». Pourquoi donc avez-vous absous le Maximianiste Félicianus, dont la culpabilité était évidente? Pourquoi vous tuer vous-même, quand vous êtes convaincu de votre innocence ? Pour nous, nous n'absolvons pas le coupable, mais nous désirons d'abord le convertir, afin qu'ensuite il mérite d'être absous; mais soit que vous vous épargniez, soit que vous vous ôtiez la vie, tant que vous resterez Donatiste, nous ne pourrons vous regarder comme innocent. Libre à vous de vous attribuer toute l'innocence possible, mais du moment que vous vous suicidez innocent, vous cessez de l'être à nos yeux. Mais, me direz-vous peut-être, quand je me tue, je ne tue point un innocent, puisque je deviens coupable par le fait seul que je forme la résolution de m'ôter la vie; avant de tuer le corps, je suis déjà coupable dans mon âme. Si c'est là ce que vous dites, vous êtes parfaitement dans la vérité, et en vous accusant, vous vous défendez d'une manière étrange. Vous prouvez que la résolution même de vous tuer, vous constitue coupable; il est évident dès lors qu'après la perpétration du crime, il sera impossible de vous prouver que vous avez tué un innocent. Il suit de là qu'un innocent peut être tué par une main étrangère, taudis que celui qui se tue n'est jamais innocent, puisque la volonté seule de se suicider a suffi pour le rendre criminel. C'est ce qui aurait lieu pour vous, si, avant d'avoir prémédité votre mort, vous eussiez été innocent; mais il n'en était point ainsi, car votre hérésie est d'abord pour vous un crime; votre suicide ne sera donc pas pour vous le principe de votre iniquité, il ne fera qu'y mettre le dernier sceau.
