VI.
Texte de la lettre: « Si donc, comme vous l'affirmez, vous nous regardez comme innocents, forts de notre foi en Jésus-Christ, nous nous réjouissons de souffrir la persécution ». Réponse: J'ai sérieusement médité la lettre que vous avez reçue du tribun, et je n'ai lu nulle part aucune expression qui parût vous déclarer innocent ; il dit seulement vous avoir entendu donner par d'autres la qualification d'homme prudent. Mais vous n'ignorez pas que dans les saintes Ecritures cette épithète s'applique non-seulement aux bons, mais encore aux méchants. Le serpent qui a séduit le premier homme, n'est-il pas désigné sous ce titre? Parmi les interprètes, quelques-uns l'appellent le plus sage de tous les animaux1; mais les exemplaires grecs, et avec plus de raison, le désignent comme étant le plus prudent des animaux, et c'est cette version que la langue latine a suivie. Admettons que le tribun ait appelé innocents tous ceux dont il a dit qu'ils sont par vous entraînés malgré eux à leur perte ; qu'y a-t-il d'étonnant qu'il ait cru que les choses se passaient parmi vous comme elles se passent ailleurs ? Il n'y a donc pas trop lieu de vous réjouir de la persécution que vous subissez, puisque vous ne pouvez appuyer sur rien le brevet d'innocence que vous vous décernez. Et qu'on ne dise pas que cette persécution s'applique directement aux hommes; ce sont les vices que l'on persécute, afin de délivrer les hommes; n'est-ce pas ainsi qu'un habile médecin en use à l'égard de ses malades? Fussiez-vous innocents sur tout le reste, vous devenez coupables, par cela seul que vous désirez la mort des innocents. Ceux qui se regardent comme innocents, et néanmoins ne veulent pas épargner leur vie, ne méritent-ils pas que l'on dise d'eux qu'ils tuent les innocents?
Gen. III, 1. ↩
