XVIII.
Pourquoi, à des paroles aussi évidentes, donner un sens détourné? L'Apôtre a nié que ceux qui se contentent d'entendre la loi sans l'accomplir fussent justes devant Dieu ; il n'a pas défendu d'écouter les hommes quand ils disent la vérité ; il ne s'est donc pas mis, comme vous, en contradiction avec ces paroles du Seigneur: « Faites ce qu'ils vous disent, mais ne faites pas ce qu'ils font; car ils disent et ne font pas1 ». Vous voyez que Jésus-Christ ordonne clairement d'écouter les prédicateurs de la loi même, quand leurs actions ne sont point en conformité avec leur enseignement; et vous, vous osez dire : « On ne doit écouter que celui-là seul qui accomplit la loi ». C'est ainsi que, sous prétexte de réfuter votre persécuteur, vous vous attaquez au Créateur lui-même. Il est vrai que Dieu dit au pécheur : « Pourquoi racontez-vous mes justices, et proclamez-vous mon Testament2?» Mais, par ces paroles, il lui reproche uniquement de rendre inutile pour lui ce récit qu'il fait des justices divins, puisqu'il ne réalise pas dans ses oeuvres les belles paroles qu'il prononce. Or, celui qui entend un pécheur enseigner la vertu et qui la pratique, gagne pour lui-même un trésor de mérites.
« La louange, il est vrai, n'est pas-belle sur les lèvres du pécheur3 » ; mais elle est belle dans la vie et dans les moeurs de celui qui accomplit la loi, lors même qu'elle lui serait enseignée par un pécheur. Libre à vous de regarder te tribun comme un pécheur et comme un homme qui n'accomplit pas la loi ; cependant, écoutez avec obéissance, non pas le tribun lui-même, mais celui qui vous dit par l'organe du tribun : « S'ils vous persécutent dans une ville, fuyez dans une autre4 ». Pourquoi vous tenir immobiles? entendez et fuyez; c'est Jésus-Christ qui vous l'ordonne, et non pas le tribun. Vous répondez peut-être : Il est vrai que Jésus-Christ nous dit : « S'ils vous persécutent dans une ville, fuyez dans une autre », mais pourquoi quitterai-je cette ville, puisque celui-ci n'est pas mon persécuteur, et que je ne suis pas le disciple attentif de Jésus-Christ? Il suit de là que si vous restez, vous devenez un loup ravisseur ; et si vous fuyez, vous êtes un loup craintif et tremblant. L'époux a dit : « A moins que vous ne vous connaissiez vous-même, ô la plus belle des femmes, suivez la trace de vos troupeaux, et paissez les chevreaux sous les tentes des pasteurs5 » ; quoique vous vous flattiez d'être pasteur, du moment que vous avez quitté le bercail du Seigneur, ce sont vos- chevreaux que vous paissez, et non les brebis de Jésus-Christ.
