XXXVI.
Quant à ce vieillard, nommé Razias, dont ils empruntent l'histoire au livre des Macchabées1, et sur les traces duquel ils se flattent de marcher, parce qu'en effet ils ne peuvent trouver d'autres exemples pour justifier leur crime, je déclare qu'il aurait dû imiter la conduite de ces sept frères que le même livre des Macchabées2 nous montre marchant noblement à la mort, guidés et enflammés par les chaleureuses exhortations de leur mère. Tombé entre les mains de ses ennemis, Razias devait, tout en restant fermement attaché à la loi de son Dieu, accepter tous les tourments auxquels il serait condamné, supporter courageusement ses souffrances et prendre patience au sein de ses profondes humiliations. Mais ne pouvant supporter la honte de se voir tombé entre les mains de ses ennemis, il laissa à la postérité un exemple, non pas de sagesse, mais de folie; un exemple proposé à l'imitation, non pas des martyrs de Jésus-Christ, mais des Circoncellions, disciples de Donat. Toutefois, en portant sur ces faits un examen plus attentif, il sera facile de se convaincre que votre cause est toute différente de la sienne. En effet, puisqu'il était tombé entre les mains de ses bourreaux, il n'était plus libre de prendre la fuite; voilà pourquoi il se frappe de son glaive, et comme il sent que le coup n'est pas mortel, il se précipite du haut de la muraille. Cette fois, il est convaincu qu'il ne peut plus vivre, mais comme il respire encore, il s'élance, par un dernier effort, vers une pierre qu'il aperçoit à distance; là, de ses deux mains il s'arrache, les entrailles, les jette autour de lui et meurt; la foule, à ce moment, l'enveloppait de toute part; eût-il pu vivre encore, qu'il n'aurait point échappé à la fureur de ses bourreaux. Il n'en est pas de même pour vous; d'abord, vous refusez d'entendre cette parole du Seigneur : « Fuyez » ; ensuite, vous n'imitez pas Razias qui aurait voulu fuir, mais qui ne l'a pas pu; d'où l'on doit conclure que vous ne reconnaissez la nécessité ni d'obéir au précepte du Sauveur, ni d'imiter l'exemple de Razias. Il y a plus encore, car d'après vos propres principes, Razias lui-même ne doit-il pas être condamné? Citant ces paroles de l'Evangile : « L'esprit est prompt, mais la chair est faible », vous avouez que si, pour en finir plus rapidement, vous vous jetez dans les flammes, c'est parce que vous vous sentez. trop faibles pour supporter les tourments que vous infligeraient vos ennemis, si vous veniez à tomber entre leurs mains. Et voici un prêtre israélite, qui se frappé avec le glaive, qui, après cette première blessure, s'élance vers la muraille, s'y précipite tête baissée, peut encore courir vers la pierre, s'y tient debout, saisit ses entrailles, les arrache et les disperse; si l'on peut dire de lui que l'esprit est prompt, peut-on dire également que la chair est faible, quand on le voit faire des choses qui supposent une force incroyable? Vous devriez donc réprouver son action, puisque la fermeté qu'il y déploie est l'évidente condamnation de votre prétendue faiblesse. Si, pouvant fuir, il s'y était refusé; s'il avait formé un bûcher dans sa maison, et qu'au moment où ses ennemis allaient fondre sur lui il eût allumé l'incendie et se fût réduit en cendres lui et toute sa demeure, vous pourriez alors le choisir pour votre modèle, mais il se fût rendu digne des plus terribles châtiments. N'oublions pas que toute fuite lui était impossible, et c'est là ce qui l'excuse quelque peu dans l'effusion de son sang; la mort devenait pour lui absolument inévitable : s'il ne se la donnait pas de sa propre main, il la recevrait infailliblement, de la main de ses bourreaux.
