LIV.
Si vous éprouvez le désir de répondre à ma réplique, lisez le compte rendu de notre entretien avec Emérite; peut-être serez-vous plus heureux que lui et pourrez-vous trouver le moyen de réfuter toutes nos propositions. J'ai traité également avec lui l'affaire des Maximianistes, que nous vous avons si souvent objectée dans la conférence, et à laquelle vous n'avez rien pu répondre. A un fait aussi évident et aussi récent, que pouviez-vous opposer? La sentence portée par vous contre Maximien était beaucoup plus sévère que celle qui avait frappé Cécilianus ; vous n'avez point rougi de le désigner comme un ministre de Dathan , Coré et Abiron , que la terre engloutit tout vivants en punition de leur schisme criminel1; et cependant vous n'admettez pas qu'il ait souillé les complices de son schisme, puisque vous leur avez offert un assez long répit qui leur permît de rentrer dans votre communion; vous n'admettez pas qu'un Africain ait souillé des Africains, qu'un vivant ait souillé des vivants, un ami, ses amis, un associé, ses complices. Et vous osez soutenir que Cécilianus a souillé ses frères d'outre-mer, a souillé des étrangers, a souillé des hommes qui n'étaient point encore nés? Dites-nous, si vous le pouvez, comment vous avez réintégré dans leurs premiers honneurs Félicianus de Mustitanum, et Prétextat d'Assurium, que vous avez confondus avec Maximien et dix autres évêques, dans une même condamnation, et contre lesquels vous avez réclamé le bras séculier de deux ou trois proconsuls pour les chasser de leurs basiliques. Déjà même vous aviez choisi un successeur à Prétextat, et cependant rien ne vous a empêché de leur rendre leurs premiers honneurs. Au nom de quelle justice, de quelle raison, de quelle audace, osez-vous recevoir un maximianiste solennellement condamné, tandis que vous condamnez l'univers catholique tout entier sans l'entendre ? Au nom de quelle justice, de quel principe, de quelle audace, osez-vous dire que vous avez à vous mettre en garde contre les souillures dont pourrait vous flétrir Cécilianus, déjà mort depuis longtemps, que vous n'avez jamais connu, qui a été condamné une seule fois par vos ancêtres, et qui a été trois fois absous de toutes les accusations intentées contre lui par ces mêmes ancêtres; tandis que vous n'avez nullement à craindre d'être souillés par votre union avec Félicianus, condamné par décret de votre concile universel, et accueilli ensuite favorablement par vous tous et surtout par votre prédécesseur? Au nom de quelle justice, de quel principe, de quelle audace, invalidez-vous le baptême que donnent les Eglises que les Apôtres ont fondées au prix de leurs sueurs, tandis que vous recevez le baptême conféré par Félicianus et Prétextat, que vous aviez solennellement condamnés et retranchés de votre Eglise ? Si, acceptant la fausse interprétation que vous embrassez et que vous nous objectez souvent, nous l'appliquions à ces paroles : « Celui qui est baptisé par un mort, « quelle utilité peut-il retirer de ce bain2 ? » ne pourrions-nous pas ajouter qu'on a bien le droit de regarder comme des ministres morts ceux contre lesquels vous avez lancé avec tant de fracas, à Bagaitanum, cette sentence magistrale : « Les rivages de la mer sont tout couverts de malheureux qui périssent, comme autrefois les Egyptiens ; ce qui rend cette mort d'autant plus cruelle, c'est qu'après avoir rendu le dernier soupir dans ces eaux vengeresses, leurs cadavres gisent sans sépulture? » A cela, que répondrez-vous ? Voici que des morts baptisent ceux que vous recevez, et vous ne mourez pas ; et vous osez soutenir calomnieusement que nous sommes morts, afin que, pour justifier votre refus de participer à l'unité catholique, vous vous donniez le droit de chercher la mort dans les flammes? Répondez à ces objections; vous avez le temps de méditer votre réplique. Du moins, nous vous rendons là un bienfait signalé, car pendant que vous réfléchirez à ce que vous devez répondre, vous ne penserez pas au moyen de vous faire mourir dans les flammes. Cependant nous ne voulons pas que, dans votre impuissance de répondre, vous cherchiez à vous esquiver, en nous répétant cette absurdité qui revient si souvent sur vos lèvres : « Si nous sommes tels que vous dites, pourquoi nous cherchez-vous? » Nous vous répondons : Puisque dans vos égarements vous avez cherché les Maximianistes, également perdus comme vous, à plus forte raison l'Eglise catholique doit-elle vous chercher avec plus d'ardeur encore. Vous nous dites, du fond de votre coeur: « Pourquoi cherchez-vous des hommes couverts de crimes si nombreux et si grands ? » Ouvrant sous vos yeux le livre de Dieu, nous vous répondons que « la charité couvre la multitude des péchés3 ».
