XXVI.
La doctrine du ciel qui contient la véritable sagesse fait toute seule ce que les philosophes ont jugé qu'il fallait faire, bien qu'ils ne le pussent faire, et qu'ils crussent qu'il ne pouvait être fait par les autres. Comment ceux qui ne sont persuadés de rien pourraient-ils persuader quelque chose ? Comment ceux qui obéissent à leurs passions, qui confessent qu'elles ont plus de force que leur raison, pourraient-ils réprimer celles des autres, modérer l'ardeur de leurs désirs et apaiser les mouvements de leur colère ? L'expérience fait voir au contraire la grandeur du pouvoir que les commandements de Dieu, qui sont simples et véritables, exercent sur l'esprit des hommes. Donnez-m'en un qui soit sujet à la colère et accoutumé à de grands emportements, je le rendrai aussi doux qu'un mouton dès que je lui aurai dit quelques paroles du Sauveur. Donnez-m'en un qui soit avare et insatiable, je le rendrai libéral, et je lui ferai donner son argent à pleines mains. Donnez-m'en un qui soit délicat, et qui n'appréhende rien tant que la douleur et la mort, je lui ferai mépriser les tourments, les feux, et le taureau de Phalaris. Donnez-m'en un qui soit débauché, je le rendrai sobre et tempérant. Donnez-m'en un qui soit cruel et qui aime à répandre le sang, je changerai toute sa fureur en humanité. Enfin donnez-m'en un qui soit injuste, déréglé et criminel, je le ferai devenir tout d'un coup équitable, réglé et innocent. Il ne faut qu'un peu d'eau pour effacer tous les crimes. La sagesse de Dieu agit avec une puissance si efficace, que dès qu'elle entre dans un cœur elle en chasse toute la folie. On ne demande rien en récompense : cela se fait gratuitement et en un instant. Que personne n'appréhende d'approcher de nous. Nous ne vendons ni l'eau ni le soleil. La fontaine de Dieu est ouverte, et sa lumière éclaire tous ceux qui ont des yeux. Y a-t-il jamais eu, ou y a-t-il maintenant un philosophe qui en puisse faire autant ? Ils consument toute leur vie à l'étude, et ne rendent pas leurs disciples meilleurs, ni ne le deviennent pas eux-mêmes, pour peu que l'inclination que les uns et les autres ont au mal résiste aux préceptes. Tout l'effet que l'on peut attendre de leur sagesse, c'est qu’elle cache les vices au lieu de les arracher. Les commandements de Dieu apportent au contraire un changement si surprenant qu'ils détruisent le vieil homme pour former le nouveau.
