XXX.
J'ai fait voir, autant que mon peu de suffisance me l'a pu permettre, combien les philosophes se sont éloignés de la vérité. Je sais que j'ai omis beaucoup de choses ; mais aussi je n'avais pas entrepris de combattre toutes leurs erreurs : j'avais seulement été obligé de montrer, comme en passant, qu'un si grand nombre d'excellents esprits s'étaient misérablement consumés à la poursuite du mensonge, pour empêcher que ceux qui avaient reconnu qu'il n'y avait pas d'espérance de trouver la vérité dans les religions païennes, ne l'allassent chercher parmi des sectes si différentes de ces sages de l'antiquité. Il ne reste donc aucune espérance ni aucun salut que dans la doctrine que nous soutenons. Toute la sagesse consiste à connaître Dieu et à le servir. J'élève ma voix, autant qu'il m'est possible, pour déclarer et pour publier : que nous avons dans notre religion la vérité que les philosophes ont cherchée durant toute leur vie, et qu'ils n'ont jamais pu trouver parce qu'ils n'ont aucune religion, ou qu'ils n'en ont eu qu'une mauvaise. Eloignons-nous de ces maîtres qui ne font que nous troubler au lieu de nous instruire. Que pourraient-ils nous enseigner, eux qui n'ont rien appris? Qui ces malades pourraient-ils guérir? Qui ces aveugles pourraient-ils instruire? Que ceux qui désirent connaître la sagesse se rendent en foule à notre religion. Attendrons-nous que Socrate commence à savoir quelque chose, qu'Anaxagore trouve la lumière au milieu des ténèbres, que Démocrite tire la vérité du fond du puits où elle est cachée, qu'Empédocle élargisse les chemins des sens par où les objets entrent dans l'âme, enfin qu'Arcésilas et Carnéade voient et comprennent? Une voix du ciel nous déclare la vérité ; une lumière plus éclatante que le soleil nous la montre. Pourquoi sommes-nous assez injustes envers nous-mêmes, pour refuser la sagesse que les philosophes les plus célèbres de l'antiquité ont cherchée inutilement durant tout le temps de leur vie ? Quiconque veut devenir sage et heureux n'a qu'à écouter la voix de Dieu, à apprendre la justice, à méditer le sujet pour lequel il a été mis au monde, à mépriser tout ce qu'il y a sur la terre, à faire profession du culte de Dieu, pour parvenir un jour au souverain bien, dont la jouissance doit faire tout son bonheur. Il faut pour cela renoncer à toutes les autres religions, rejeter tout ce que l'on dit pour leur défense, réfuter les erreurs de toutes les sectes des philosophes. La vérité s'élèvera sur les ruines du mensonge. Après avoir détruit les fausses religions, il est aisé d'établir la nôtre par des exemples, par des arguments et par des témoignages convaincants, et de faire voir que l'extravagance que les philosophes nous attribuent ne se rencontre que parmi eux. Bien qu'en réfutant leurs erreurs et en faisant voir qu'ils ne possèdent point la véritable sagesse, j'aie marqué assez clairement le lieu où elle réside, je me suis proposé de le prouver encore plus solidement dans tout le livre suivant.
