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Quels sont donc, et où sont ces dieux, qui ont pour Dieu le Dieu véritable? Un autre psaume a dit : « Dieu s’est assis dans la synagogue des dieux, il est au milieu des dieux pour les juger1». Nous ne savons encore s’il n’y aurait pas dans le ciel quelques autres dieux, dans l’assemblée ou dans la synagogue desquels Dieu siégerait pour les juger. Voyez dans le même psaume à qui Dieu adresse ces paroles : « J’ai dit : Vous êtes des dieux, vous êtes tous les enfants du Très-Haut, et néanmoins vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme un des princes2 ». Il est évident par là que ceux qu’il appelle dieux sont des hommes déifiés par sa grâce, et non point nés de sa substance. Celui-là seul peut justifier qui a la justice par lui-même et non par un autre. De même que celui-là peut déifier, qui est Dieu par lui-même et non par un autre; or, celui qui justifie est aussi celui qui déifie, parce qu’en nous justifiant, il fait de nous des enfants de Dieu. « Il leur a donné le pouvoir de « devenir fils de Dieu3». Devenir fils de Dieu, c’est devenir des dieux; et toutefois nous ne sommes tels que par la grâce de l’adoption, et non par la nature ou la naissance. Il n’est qu’un seul Fils de Dieu, Dieu unique avec son Père, c’est Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, le Verbe qui était au commencement, Verbe en Dieu et Verbe Dieu. Ceux qui deviennent des dieux, le deviennent par la grâce de Dieu; ils ne naissent point de sa substance, de manière à être ce qu’il est lui-même; il leur fait la faveur d’arriver jusqu’à lui, et d’être ainsi les cohéritiers de Jésus-Christ. Tel est en effet la charité de cet héritier, qu’il a voulu des cohéritiers. Quel homme dans son avarice voudrait que d’autres entrassent en partage avec lui ? S’il s’en trouvait pour en vouloir et partager avec eux l’héritage, sa part serait bien moindre que s’il l’eût possédé tout entier; mais l’héritage que nous partageons avec le Christ, ne diminue point par le nombre des possesseurs ; quel que soit le nombre des cohéritiers, la part n’en est point rétrécie ; mais elle est aussi large pour un grand nombre que pour un petit nombre; celle de chacun vaut toutes les autres. «Voyez », nous dit un Apôtre, « quel amour le Père a eu pour nous, appelés enfants de Dieu et qui le sommes en effet4 ». Et ailleurs : «Mes bien-aimés, nous sommes enfants de Dieu; « et ce que nous serons un jour ne paraît pas encore ». Nous le sommes donc en espérance, et pas encore en réalité. « Car nous savons », dit le même Apôtre, « que quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est5. » Un seul est semblable à lui par la naissance, nous le serons par la vue. Car nous ne serons pas semblables à lui de la même manière que le Fils, qui est tout ce qu’est celui qui l’a engendré; nous serons semblables sans être égaux, tandis que le Fils est d’abord égal, et par là même semblable. Nous avons vu ceux qui sont devenus des dieux par la justification, et qui sont appelés fils de Dieu; mais ces autres dieux qui ne sont point des dieux, pour qui le Dieu des dieux est terrible, quels sont-ils? Il est dit dans un psaume que « Dieu est terrible par-dessus tous les dieux ». Et comme si l’on demandait: Quels sont ces autres dieux? il ajoute : « Les dieux des nations sont tous des démons6 ». Dieu donc est terrible pour les dieux des nations, pour les démons; aimable pour les dieux qu’il a faits, pour ses enfants. De là vient que nous voyons la majesté de Dieu proclamée par les uns et par les autres, et les démons ont confessé le Christ, et les fidèles ont aussi confessé le Christ. « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant7», s’écria saint Pierre. « Nous savons qui vous êtes, le Fils de Dieu8 », lui dirent les démons. Je trouve donc la même confession, sans trouver la même charité; ou plutôt la charité est d’une part, de l’autre, la crainte. Ils sont donc enfants de Dieu ceux qui le trouvent aimable; ceux qui le trouvent terrible, ne sont point ses enfants; il a fait dieux ceux qui le trouvent aimable, et il a convaincu de n’être pas dieux ceux qui le trouvent terrible. Les uns deviennent des dieux, les autres en ont l’apparence; la vérité donne aux uns la divinité, l’erreur l’attribue aux autres.
