18.
«Je connais tous les oiseaux du ciel1». Comment Dieu les connaît-il? Il les a suspendus dans les cieux, les a comptés; qui d’entre nous connaît tous les oiseaux du ciel? Quand le Seigneur nous donnerait la connaissance de tout ce qui vole dans les airs, lui ne les connaît point de la manière qu’il permet à l’homme de les connaître. Autre est la connaissance chez Dieu, autre est la connaissance chez l’homme; de même autre est pour Dieu posséder, et autre pour l’homme; c’est-à-dire que Dieu possède bien autrement que les hommes. Pour toi, en effet, ce que tu possèdes n’est pas complètement en ton pouvoir, puisque tu ne saurais à ton gré faire vivre un boeuf ou l’empêcher de mourir ou de paître l’herbe. Celui qui a le souverain pouvoir, a aussi la connaissance la plus étendue comme la plus secrète. Reconnaissons-le à la gloire de Dieu. Loin de vous de dire Comment Dieu peut-il connaître? N’attendez pas de moi, mes frères, que je vous explique la manière dont connaît le Seigneur ; ce que je puis vous dire, c’est qu’il ne connaît point comme les hommes, ni même comme les anges; mais je n’oserais dire comment il connaît, je ne puis même le savoir. Toutefois je sais une chose, c’est que Dieu savait ce qu’il devait créer, même avant qu’il y eût aucun oiseau. Mais quelle connaissance en avait-il? O homme, depuis ta naissance, depuis que tu as reçu le sens de la vue, tu as considéré des oiseaux. Ces oiseaux sont sortis de l’eau à la parole de Dieu, qui a dit: « Que les eaux produisent des oiseaux2 ». Où Dieu connaissait-il ce qu’il commandait à l’eau de produire ? Car il connaissait ce qu’il avait créé, et il le connaissait avant de l’avoir créé. Telle est donc pour Dieu la connaissance, que toutes les créatures étaient en lui d’une manière ineffable, avant leur création ; mais exigera-t-il de toi ce qu’il avait avant même de rien créer? « Je connais tous les oiseaux du ciel », et tu ne saurais me les donner. Je connais tout ce que tu peux immoler à ma gloire ; et je le connais, non pour l’avoir fait, mais parce que je devais le faire. « Et la beauté des champs est avec moi ». Ce qu’il y a de beau dans les campagnes, la fertilité de tout ce qui produit sur la terre, tout cela « est avec moi » , dit le Seigneur. Comment avec lui ? Est-ce même avant d’exister ? Avec lui était tout ce qui devait exister, et avec lui est encore ce qui est passé ; il voit l’avenir sans que pour cela rien du passé lui échappe. Tout est avec lui par une certaine connaissance de l’ineffable sagesse divine qui est en son Verbe, et ce Verbe comprend tout. La beauté des champs ne serait-elle pas avec lui, en ce sens que Dieu est partout et qu’il a dit: « Je remplis le ciel et la terre3 ? » Qu’est-ce qui ne serait pas avec celui dont il est dit : « Si je monte vers les cieux, vous y êtes ; si je descends dans les enfers, je vous rencontre4? » Tout est avec lui: non qu’il souffre du contact des êtres qu’il a créés ou qu’il en ait besoin. Peut-être y a-t-il près de toi une colonne, près de laquelle tu te tiens debout; et si tu ressens la fatigue, tu t’appuies sur elle. Tu as donc besoin de ce qui est avec toi, mais Dieu n’a nul besoin de ce qui est avec lui. Les campagnes et leur beauté sont avec lui, la beauté des cieux avec lui, tous les oiseaux avec lui, parce que lui-même est partout. Et pourquoi tout est-il avec lui ? Parce que tout lui était connu avant d’exister, ou d’être créé.
