9.
On lut ensuite cet autre passage du livre de Pélage : « Au jour du jugement les impies et les pécheurs, seront frappés sans pitié, et brûlés dans les flammes éternelles ». Ces paroles avaient ému nos frères, parce qu'ils soupçonnaient l'auteur de renfermer, dans cette sentence d'éternelle condamnation, tous les pécheurs indistinctement, sans en excepter ceux qui, étant morts dans la grâce de Jésus-Christ, avaient cependant mêlé à leur vie le bois, le foin et la paille dont parle l'Apôtre : « Celui dont l'oeuvre aura été consumée en subira le châtiment; toutefois il sera sauvé, mais en passant par le feu1 ». Pélage répondit que dans sa pensée, son langage n'était que l'application de ces paroles de l'Evangile, où, parlant des pécheurs, le Sauveur s'écrie: « Ils iront au supplice éternel, tandis que les justes entreront dans la vie éternelle2 ». Des juges chrétiens ne pouvaient qu'approuver une doctrine purement évangélique, et ne soupçonnaient même pas ce qui, dans les paroles de Pélage, avait pu éveiller la défiance de nos frères.
Mais ces derniers ne connaissaient que trop les discussions auxquelles se livraient Pélage et ses disciples, et dans leurs formules en apparence les plus anodines ils surprenaient le fond de leurs pensées. Toutefois aucun de ceux qui avaient confié le réquisitoire à Euloge, n'était présent pour en soutenir les accusations. D'un autre côté personne n'eut la pensée d'établir la distinction nécessaire entre les pécheurs que le feu doit justifier et ceux qu'il doit tourmenter éternellement. Par ce moyen les juges auraient compris l'importance de l'inculpation intentée contre Pélage, et l'auraient frappé de condamnation s'il avait refusé cette distinction établie par l'Eglise.
