22.
Comme vos évêques étaient parfaitement familiarisés avec cette grâce, ils crurent en entendre la profession publique dans ces paroles de Pélage : «L'homme revenu de ses péchés peut rester innocent par ses propres efforts aidés de la grâce de Dieu ». Pour moi, placé dans de meilleures conditions que ces évêques, j'ai entre les mains ce livre dont la réfutation m'a été demandée par des serviteurs de Dieu, autrefois disciples de Pélage, et animés. pour sa personne d'une très-vive affection. A leurs yeux, Pélage est. bien l'auteur de ce livre; mais ils n'ont pu que s'étonner de l'entendre parler contre la grâce de Dieu et professer publiquement « que pour « lui la grâce de Dieu n'est autre chose que « la possibilité de ne pas pécher, possibilité «que notre nature possède en vertu de sa « création, puisqu'elle a été créée avec le libre « arbitre ». Ce livre de Pelage d'un côté, de l'autre ses dissertations parfaitement connues de nos frères ne peuvent que nous laisser dans de cruelles. angoisses sur l'ambiguïté de ses paroles. Ne couvrent-elles pas une pensée secrète? Sans contredire en quoique ce fût son erreur, n'a-t-il pas pu dire à ses disciples : « J'ai affirmé que, par ses. propres efforts et aidé de la grâce de Dieu, l'homme peut rester sans péché; quant à cette grâce dont je parle, vous la connaissez suffisamment, et, en lisant mes ouvrages, vous comprenez parfaitement que je parle de la grâce dans laquelle nous avons été créés avec le libre arbitre? » Or, la grâce, telle que la concevaient les évêques, n'est assurément pas la grâce dans laquelle nous. avons été créés hommes, mais, selon l'enseignement unanime de l'Ecriture, la grâce dans laquelle nous avons été adoptés et spirituellement renouvelés par Dieu. Ne connaissant,donc pas les doctrines hérétiques de Pélage, ils l'ont absous et reconnu catholique. Dans ce même livre auquel j'ai répondu, je trouve cette autre parole à mes yeux ,bien suspecte : « Le juste Abel n'a jamais péché ». Tout à l'heure il répondait : « Je n'ai pas dit qu'il se trouve quelqu'un qui depuis son enfance jusqu'à sa vieillesse, n'ait jamais péché; j'ai dit seulement qu'un homme,. revenu de ses péchés, peut, par ses propres efforts et avec la grâce de Dieu, rester innocent. ». Dit-il qu'Abel est revenu de ses péchés, et que depuis il est resté innocent? Non, il affirme positivement que « le juste Abel n'a jamais péché». Si donc il est réellement l'auteur du livre dont je parle, ce livre doit .être corrigé dans le sens de sa réponse. Car je ne voudrais pas dire que cette dernière réponse n'est qu'un mensonge sur ses lèvres, dans la crainte qu'il ne m'allègue qu'il a oublié ce qu'il a écrit dans son livre. Reprenons donc la suite du procès. En effet, avec l'aide de Dieu, nous trouverons dans les actes de ce procès tous les documents nécessaires pour prouver que malgré l'apparente justification de Pelage, et l'absolution qu'il a reçue de ses juges, l'hérésie qu'il professait alors et qu je voudrais étouffer en elle-même et dans ses suites, a été certainement condamnée.
