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Cette hérésie avait déjà fait de nombreuses victimes, et jeté le trouble parmi ceux de nos frères qu'elle n'avait point séduits. Devenu l'ardent apôtre de l'erreur, Célestius fut cité au tribunal de l'Eglise de Carthage, et condamné par sentence des évêques. Quelques années après Pélage lui-même, désigné comme hérésiarque, se vit accusé à son tour et appelé au tribunal des évêques. Lecture fut donnée du réquisitoire dressé contre lui par les évêques de la Gaule, Héros et Lazare. Comme ces accusateurs, retenus par la maladie de l'un d'eux, n'avaient pu se présenter, Pélage eut beau jeu de répondre à tous les griefs, aussi fut-il déclaré orthodoxe par quatorze évêques de la Palestine; quant à l'hérésie elle-même, ils la frappèrent d'une condamnation solennelle. Ils approuvèrent donc cette réponse de Pélage : « Pour éviter le péché, l'homme est aidé par la science de la loi, selon cette parole de l'Ecriture : Il leur a donné la loi pour leur venir en aide1 ». Toutefois, ils refusèrent d'admettre que cette science de la loi constituât, à proprement parler, la grâce de. Dieu, dont il est écrit : « Qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur2 ». D’un autre côté, en disant que tous sont régis par leur volonté, Pélage n'excluait pas la direction de Dieu, car il répondit « qu'en formulant cette proposition il avait en vue le libre arbitre, auquel Dieu vient en aide quand il s'agit de choisir le bien, et qui seul nous explique pourquoi l'homme est coupable quand il pèche ». Les juges approuvèrent également cette autre proposition : « Les impies et les pécheurs seront jugés sans miséricorde, et punis dans les flammes éternelles ». Pélage appuyait sa réponse sur ce passage de l'Evangile : « Les méchants iront au supplice éternel, et les justes entreront dans la vie éternelle3 ». Il n'avait pas dit de tous les pécheurs indistinctement qu'ils subiront le supplice éternel, car il se serait mis en opposition avec l'Apôtre qui, parlant de certains pécheurs, déclare qu'ils seront sauvés, mais en passant par le feu4 ». Les juges ne pouvaient nier que « le royaume des cieux eût été promis, même dans l'Ancien Testament », puisque le prophète Daniel a dit clairement « Les saints posséderont le royaume du Très-Haut5 ». Comme Pélage attribuait cette parole à l'Ancien Testament, les juges pouvaient conclure qu'à ses yeux l'Ancien Testament n'était pas exclusivement renfermé dans la scène du Sinaï, et qu'il regardait comme canoniques toutes les Ecritures qui précèdent l'Incarnation. Quant à cette parole: « L'homme peut, s'il le veut, rester sans péché », les juges en l'approuvant lui donnèrent un sens tout différent de celui qu'elle paraît avoir dans le livre de Pélage, car celui-ci semblait dire : Le pouvoir de rester sans péché dépend tout entier du libre arbitre. C'est ce qu'indiquait ce mot: « S'il le veut ». Ce que les juges approuvèrent, c'est l'explication même que Pélage donna de cette parole, et que les juges consacrèrent dans leur réplique : Avec le secours et la grâce de Dieu l'homme peut rester sans péché. Toutefois rien ne fut défini quant à l'époque à laquelle les saints jouiront de cette perfection: sera-ce pendant qu'ils seront encore ensevelis dans ce corps de mort; sera-ce quand la mort aura été vaincue?
