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Quoi qu'il en-soit, Pélage a fait un aveu, et cet aveu n'est pas lui-même sans obscurité, mais je pense qu'il sera éclairci par l'examen des différentes parties du procès. Voici cet aveu : « J'ai dit que l'homme peut, s'il le veut, rester sans péché et observer les commandements de Dieu, car Dieu lui-même lui a donné cette possibilité. Je n'ai pas dit que l'on peut trouver tel ou tel homme qui depuis son enfance jusqu'à sa vieillesse n'a jamais péché ; j'ai seulement affirmé qu'après avoir renoncé à ses péchés, par ses propres efforts et avec la grâce de Dieu il avait pu rester sans péché, sans cependant qu'il fût par cela même impeccable ». A quelle grâce de Dieu fait-il allusion dans ces paroles? c'est ce qu'on ignore; et des juges catholiques n'ont pas pu y voir d'autre grâce que celle qui nous est enseignée si souvent par la doctrine apostolique. Telle est, en effet, la grâce à l'aide de laquelle nous espérons pouvoir nous délivrer de ce corps de mort par Jésus-Christ Notre-Seigneur.
N'est-ce pas cette grâce que nous implorons, quand nous demandons de ne pas succomber à la tentation1 ? Cette grâce n'est pas la nature, mais un secours qui est accordé à notre nature fragile et viciée. Cette grâce n'est pas davantage la science de la loi, mais c'est d'elle que l'Apôtre a dit: « Je ne rendrai pas inutile la grâce de Dieu ; car si la loi produit la justification, c'est donc en vain que Jésus-Christ est mort pour nous2 ». Cette grâce n'est donc pas non plus la lettre qui tue, mais l'esprit qui vivifie. Quand la science est séparée de la grâce de l'esprit, n'opère-t-elle pas dans l'homme toute espèce de concupiscence? Car, dit l'Apôtre « je n'ai connu le péché que par la loi; j'aurais ignoré la concupiscence, si la loi n'avait pas dit : Vous ne convoiterez pas. Quand l'occasion s'est présentée, le péché, par le commandement, a opéré en moi toute sorte de concupiscence. » Toutefois ne regardons pas ces paroles comme un blâme versé sur la loi ; l'Apôtre au contraire n'a pour elle que des louanges : « La loi est a sainte, le précepte est saint, juste et bon. Ce qui est bon deviendrait-il pour moi la mort? Non : mais le péché, pour apparaître péché, a opéré la mort en moi par ce qui était bon ». La loi reçoit de nouveau ses louanges : « Nous savons que la loi est spirituelle ; pour moi je suis charnel et sous le joug du péché. Car je ne comprends pas ce que je fais. Je ne fais pas ce que je veux, et je fais ce que je hais. Si donc je fais ce que je ne veux pas, je rends témoignage à la loi et je reconnais qu'elle est bonne ». N'est-ce pas là connaître la loi, la louer, lui rendre témoignage et proclamer qu'elle est bonne ? En effet, il veut lui-même ce que la loi ordonne, et il hait ce qu'elle réprouve et condamne; et cependant ce qu'il hait il le fait. Il possède la connaissance de la loi sainte, et cela ne suffit pas pour guérir sa concupiscence vicieuse. Il a une volonté bonne, et l'action mauvaise l'emporte. Tel est donc le combat que se livrent deux volontés contraires; la loi des membres répugne à la loi de l'esprit, et retient captif sous la loi du péché. Il le comprenait parfaitement, celui qui s'écriait: « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ».
