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Il est encore un point que je ne dois pas passer sous silence. Un enfant d'Hippone, aujourd'hui diacre de l'Eglise orientale, m'a remis la pièce que Pélage a composée pour sa justification. Or, cette pièce mentionne des faits qui sont en contradiction avec les actes épiscopaux, et qui nous prouvent encore mieux que c'est dans ces actes que la doctrine catholique se trouve formulée avec le plus de justesse et de fermeté, du moins en ce qui touche à la destruction de l'erreur. Je lus cette pièce avant que les actes nous fussent parvenus, et je n'y trouvai aucune trace des paroles qu'il prononça dans le cours du jugement. Quant aux citations qui s'y trouvent, elles sont peu nombreuses, à peu près exactes, et ne méritent pas que je m'y arrête plus longtemps.
Ce qui m'indignait surtout, c'est qu'il parut prendre encore la défense de certaines propositions de Célestius, sur lesquelles les actes publics nous annoncent qu'il, lança l'anathème. A l'égard de quelques-unes de ces propositions il se contente de dire qu'il n'en est pas l'auteur, et ne doit pour elles aucune satisfaction. Quant à les anathématiser, il s'y refuse positivement dans sa justification. Voici ces propositions: « Adam a été créé mortel, et serait mort, soit qu'il péchât, soit qu'il ne péchât pas. Ce péché d'Adam n'a nui qu'à son auteur, et nullement au genre humain. La loi ancienne, comme l’Evangile, donnait droit au royaume des cieux. Les enfants nouvellement nés sont absolument ce qu'était Adam avant sa prévarication. Si le genre humain meurt, ce n'est point par suite de la mort ou de la prévarication d'Adam. comme la résurrection du genre humain ne sera pas la conséquence de la résurrection de Jésus-Christ. Les enfants, même ceux qui meurent sans baptême, possèdent la vie éternelle. Si les riches baptisés ne renoncent pas à tout ce qu'ils possèdent, il ne leur sera pas tenu compte du bien qu'ils auraient pu faire, et ils n'entreront pas dans le royaume des cieux ». A toutes ces propositions, voici ce que répond Pélage dans sa pièce justificative: « Mes accusateurs eux-mêmes ont reconnu que je ne suis pas l'auteur de ces propositions, je ne dois donc offrir pour elles aucune satisfaction ». Si maintenant nous ouvrons les actes, voici comment il s'exprime sur le même sujet : « Mes accusateurs conviennent que je ne suis pas l'auteur de ces propositions, pour lesquelles, dès lors, je ne dois, aucune satisfaction; cependant, pour prouver au synode mon désir de lui plaire, je déclare lancer l'anathème contre ceux qui. professent ou ont professé ces doctrinés ». Pourquoi n'a-t-il pas reproduit toutes ces paroles dans sa pièce justificative? Il me semble qu'il ne fallait pour cela ni beaucoup fatiguer sa plume, ni multiplier beaucoup ses lettres, ni faire une grande dépense de temps ou de parchemin. Tout nous prouve qu'en faisant circuler son écrit il le présentait comme un résumé fidèle des actes du procès. Dès lors il voulait tromper l'opinion publique, et faire croire que pleine liberté lui avait été laissée de justifier chacune de ces propositions; que ces propositions lui auraient été reprochées, mais sans que l'on pût prouver qu'il en était l'auteur, et sans qu'elles fussent frappées d'anathème et de condamnation.
