40.
Nous avons dit que Pélage avait témoigné par son silence qu'il croyait aux témoignages de l'Ecriture qu'on lui avait cités. Mais quand il s'agit de ces autres paroles rapportées un peu plus haut : « Je ne suis pas digne d'être appelé apôtre, parce que j'ai persécuté l'Eglise de Dieu ; or, ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu », cet homme ne voit pas qu'en parlant de l'abondance des grâces conférées à l'Apôtre, il n'aurait pas dû affirmer que « cet Apôtre les avait méritées ». Cependant Paul déclare hautement son indignité, il en donne même une des raisons, et conserve à la grâce son caractère essentiel de gratuité. Admettons même que Pélage eût perdu le souvenir et même la pensée de ce qui avait été raconté par le saint évêque de Jérusalem ; il pouvait du moins se rappeler la réponse qu'il venait de faire immédiatement, et l'anathème lancé par lui contre les erreurs reprochées à Célestius. Parmi ces erreurs on accusait Célestius d'avoir dit que « Dieu « confère sa grâce selon nos mérites ». Si Pélage frappait justement d'anathème cette doctrine, comment donc ose-t-il soutenir que l'Apôtre avait mérité toutes les grâces qu'il avait reçues? Voudrait-il mettre une distinction entre mériter les grâces et en être digne? Poussant à l'extrême la subtilité de la chicane, oserait-il affirmer qu'un homme peut être digne d'une chose et ne pas la mériter? Quoi qu'il en soit, Célestius, ou tout autre auteur des propositions frappées d'anathème par Pélage, ne laisse pas à ce dernier la triste ressource de recourir à des subterfuges ou de se cacher dans des ténèbres volontairement amoncelées. En effet, il a dit sans ambage : « La grâce dépend tout entière de ma volonté, soit que j'en sois digne, soit que j'en sois indigne ». Ainsi Pélage a condamné la proposition suivante : « La grâce de Dieu est donnée selon les mérites à ceux qui en sont dignes » ; comment alors a-t-il pu seulement lui venir à la pensée de soutenir que « Dieu donne toutes les grâces à celui qui est digne de les recevoir? » Pour peu que l'on pèse attentivement ces aveux, peut-on ne pas s'inquiéter de sa réponse ou de sa défense?
