47.
Enfin, deux serviteurs de Dieu, aussi généreux que bons, Timasius et Jacques, remirent entre mes mains ce livre dans lequel Pélage, désireux de,se produire officiellement, se posait directement à lui-même la question de la grâce et la résolvait en disant que la grâce de Dieu n'est autre chose que la nature créée avec le libre arbitre. Parfois, mais à mots couverts et avec un déguisement prononcé, il adjoignait au libre arbitré le secours de la loi, voire même la rémission des péchés. Malgré ces subterfuges, je compris clairement qu'il y avait dans cette doctrine un venin de perversité, très-opposé au salut chrétien. Toutefois, dans la réfutation que j'ai faite de ce livre, je n'ai pas prononcé le nom de Pélage; car je croyais obtenir plus sûrement mon but, en conservant les dehors de l'amitié, et en ménageant la susceptibilité personnelle de celui dont les écrits ne méritaient de ma part aucun ménagement. C'est là cependant, et je le regrette profondément, ce qui, dans le jugement, lui a arraché cette parole : « J'anathématise ceux qui tiennent ou ont tenu ce langage ». Il suffisait de dire : «Ceux qui tiennent », car alors nous aurions conclu qu'il était corrigé. Mais quand-il ajouté : « Et ceux qui l'ont ténu autrefois », comment ne pas lui reprocher l'injuste condamnation qu'il porte contre des innocents qui ont rejeté l'erreur à laquelle ils avaient été initiés par lui-même ou par ses disciples ?Au contraire, quand on sait non-seulement qu'il a professé cette erreur, mais qu'il l'a enseignée, comment ne pas craindre la simulation dans l'anathème qu'il lance contre ceux qui professent cette erreur, puisqu'il anathématise également ceux qui l'ont professée autrefois ? S'ils l'ont professée, n'est-ce pas lui qui la leur enseignait? Sans parler des autres, de quel œil peut-il regarder, de quel front peut-il contempler Timasius et Jacques ses amis et autrefois ses disciples, et auxquels j'ai adressé la réfutation que j'ai faite de son- erreur1? Puisque j'ai reçu leur réponse, je ne pouvais passer leur nom sous silence; j'ai même annexé à ce livre une copie de leur lettre.
Voir le livre de la Nature et de la Grâce. ↩
