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Venons ensuite à l'examen des deux propositions que Pelage a refusé d'anathématiser; il dut pourtant reconnaître qu'il en était l'auteur; aussi dans l'interprétation qu'il en donna, eut-il soin d'en écarter tout ce qui aurait pu blesser la croyance de ses juges. « Il a été dit plus haut », il l'avoue, que l'homme peut être sans péché ». Cette parole a été dite en effet, et nous nous en souvenons; mais pour que ses juges pussent l'accepter, il s'est empressé de la mitiger en invoquant la grâce de Dieu sur laquelle pourtant, ces chapitres gardaient le plus profond silence. Sa réponse à la seconde question a-t-elle été aussi adroite ? nous allons en juger. « Nous avons affirmé qu'avant la venue de Jésus-Christ, des hommes étaient restés sans péché ; est ce donc que nous aurions tort de dire qu'avant la venue de Jésus-Christ il y eut, suivant la tradition des saintes Ecritures, des hommes qui vécurent dans la sainteté et la justice? » Remarquons son adresse: il n'a pas osé répéter la formule : Nous disons qu'avant la venue de Jésus-Christ il y a eu des hommes sans péché ; c'était là cependant la formule employée par Célestius, telle qu'elle lui était reprochée ; mais il avait compris qu'elle était dangereuse et compromettante. Il répond donc : « Nous disons qu'avant la venue de Jésus-Christ, il y eut des hommes qui vécurent dans la justice et la sainteté ». Et qui donc l'a jamais nié ? Mais entre vivre dans la justice et la sainteté, et rester sans péché, n'y a-t-il aucune différence? Est-ce que ceux qui vivaient ainsi, ne disaient pas en toute vérité: « Si nous affirmons que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous1 ? » Aujourd'hui encore une multitude d'hommes vivent dans la justice et la sainteté, et cependant ils ne mentent point quand ils disent dans l'oraison dominicale : « Pardonnez-nous nos péchés comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés2 ». Les juges approuvèrent donc, non pas la proposition de Célestius, mais l'interprétation que Pélage en donnait. Maintenant voyons la suite.
