41.
Mais, dira quelqu'un, pourquoi donc les juges ont-ils donné leur approbation? Je l'ignore moi-même, je dois l'avouer. Ou bien ce mot, par sa brièveté, a surpris leur attention ; ou bien, se persuadant qu'ils pouvaient l'interpréter dans un sens orthodoxe, trouvant d'un autre côté que les aveux de Pélage sur ce point étaient des plus explicites, ils conclurent qu'il n'y avait pas lieu de soulever une nouvelle controverse à l'occasion d'un seul mot. Peut-être aurions-nous partagé leur impression, si nous avions siégé dans ce tribunal. En effet, remplacez le mot digne par le mot prédestiné ou un autre semblable, et toute inquiétude aura disparu. D'un autre côté, si l'on disait que celui qui est justifié par l'élection de la grâce, est appelé digne de sa prédestination, sans que pour cela il y ait acquis des droits par aucun mérite antérieur, comme on n'en acquiert aucun à l'élection, il serait difficile de juger en quoi cette proposition offenserait la saine doctrine. Quant à moi, je ne relèverais pas cette parole, à moins que je ne trouve dans le livre auquel j'ai répondu, telle ou telle proposition dans laquelle l'auteur soutienne que la grâce de Dieu n'est autre chose que notre nature même douée du libre arbitre, de manière à confondre la grâce avec la nature ; alors je chercherais le sens que Pélage a pu donner à sa parole; au lieu de supposer qu'il n'y a eu de sa part qu'une négligence de langage, je me demanderais si ce n'est pas une doctrine particulière qu'il à voulu formuler. Quant aux dernières propositions que nous avons à examiner, elles ont tellement ému les juges qu'ils ont cru devoir les condamner avant toute réponse de la part de Pélage.
