36.
Jul. Jusqu'ici j'ai employé un langage qui respire uniquement la douceur, mais la flamme de ma raison éclate enfin et, éclairé par cette lumière resplendissante, je vois qu'il ne saurait y avoir aucune alliance entre le bien et le mal, entre les choses sacrées et les choses profanes, entre la piété et l'impiété, entre la justice et l'iniquité ; que par là même il n'y a aucune opposition entre les préceptes de Dieu et les jugements portés par lui; mais qu'on ne saurait, sans se mettre en contradiction avec soi-même, imputer à certains hommes les péchés commis par d'autres hommes et défendre de faire des imputations de ce genre. Car, si l'on regarde ces imputations comme conformes à la justice, on doit nécessairement considérer cette défense comme contraire à l'équité ; et si l'on déclare cette défense légitime, on affirme par là même l'injustice de ces imputations. Or, il est défendu par la loi de Dieu d'imputer aux enfants les péchés de leurs parents[^1]. Donc, cette même autorité condamne sans retour la doctrine contraire, c'est-à-dire la doctrine des partisans de la transmission du péché par le sang, aussi bien que le manichéisme.
Aug. Je me fatigue de répéter si souvent les mêmes vérités, quoique toi-même tu ne rougisses pas de répéter si souvent les mêmes erreurs. Dieu dit qu'il venge sur les enfants les péchés de leurs pères ; le même Dieu dit aussi que l'on ne doit pas venger sur les enfants les péchés de leurs pères, mais c'est à l'homme qu'il adresse cette défense : on doit recevoir avec le même respect l'une et l'autre maximes, parce que toutes deux sont sorties de la bouche de Dieu.
- Deut. XXIV, 16.
