52.
Jul. Si, au contraire, ne pouvant résister aux protestations éloquentes de la vérité, tu cherches à fuir d'un autre côté, tu rencontreras des difficultés encore plus inextricables. En effet, si tu dis : La maxime par laquelle le Prophète déclare que les fautes d'un homme ne pèsent point sur ceux qui sont unis à cet homme par les liens du sang, est conforme à la vérité en tant qu'elle s'applique aux personnes adultes ; mais en tant qu'elle s'applique aux petits enfants, elle est fausse dans une partie et vraie dans l'autre partie : elle est fausse quand elle nous montre les enfants comme n'étant point souillés parles crimes de leurs parents; elle est vraie quand elle affirme que les vertus des parents ne sont d'aucune utilité pour leurs enfants si tu tiens ce langage, tu montreras de la manière la plus manifeste, que tu obéis honteusement à la passion, non pas de discuter, mais de mentir ; non pas de parler sérieusement, mais de discourir sans cesse ; à la passion enfin, non pas d'un homme qui jouit d'une saine raison , mais d'un manichéen dont la raison est complètement égarée : voilà à quel fâchent mécompte tu t'exposes, si tu crois que, au mépris de l'évidence même, au mépris du respect qui est dû à Dieu, au mépris des témoignages de la loi divine et des exemples cités en confirmation de cette loi, au mépris de l'exposé historique des jugements de Dieu ; si tu crois, dis-je, qu'il t'est permis de rejeter ou de recevoir à ton gré les maximes de l'Ecriture, suivant qu'elles le déplaisent ou qu'elles te plaisent.
Aug. La maxime du Prophète n'est dans aucune de ses parties contraire à la vérité mais toi-même tu ne comprends pas le sens de cette prophétie, et je ne te qualifierai pas de menteur, mais j'ai bien le droit d'affirmer, sans te faire aucune injure, que tu ne sais pas ce que tu dis. En effet, il importe beaucoup de savoir en quel sens et jusqu'à quel point on doit regarder comme vraie cette maxime que tu attribués au Prophète : « Les vertus des parents ne sont d'aucune utilité pour leurs enfants ». Car, vous-mêmes niez-vous que ce soit par suite de la foi des parents que les enfants sont apportés à l'Eglise pour être régénérés dans son sein maternel et présentés aux ministres de Dieu pour être baptisés? Comment donc est-il vrai de dire que les vertus des parents ne sont d'aucune utilité pour leurs enfants? Oseras-tu dire que la foi chrétienne n'est pas une vertu? Ou bien, n'est-ce pas pour les enfants un avantage réel, d'être envoyés dans le royaume de Dieu, précisément et uniquement par cette régénération? Pourquoi Dieu, parlant même d'un bienfait temporel, dit-il à Isaac : « Je t'accorderai cette faveur à cause d'Abraham ton père[^1] ? » Pourquoi, si les vertus des parents ne sont d'aucun secours pour; les enfants, pourquoi Loth, fils du frère d'Abraham, dut-il son salut aux mérites de son oncle? Pourquoi enfin, si les enfants ne reçoivent jamais aucun dommage des péchés de leurs parents , s'ils ne recueillent jamais aucun fruit des vertus de ces mêmes parents, pourquoi le fils de Salomon perdit-il une partie de son royaume à cause des péchés de son père, et pourquoi l'autre partie de ce royaume lui fut-elle conservée à cause des bonnes oeuvres de David[^2] ? O toi, dont le stylet est aussi fécond due ton esprit est stérile, apprends à discerner ces choses : comprends, si tu le peux, quel est le sens véritable de cette prophétie d'Ezéchiel. II est manifeste, en effet, qu'un père qui n'a pas été régénéré ne saurait empêcher son fils régénéré de parvenir à la vie éternelle, à cette vie que le Prophète a désignée par ces mots : « Il vivra de la vie » ; il est manifeste aussi qu'un fils non régénéré ne saurait être mis en possession de cette vie, par la raison seule que son père avait été régénéré; et réciproquement, que la régénération du fils ne saurait suppléer à la non-régénération du père, ni mettre celui-ci en possession de la vie véritable, de même que la non-régénération du fils ne saurait porter aucune atteinte à la régénération du père, ni être pour celui-ci une cause de mort éternelle. Mais si tu ne peux comprendre ces choses, ne pourrais-tu pas du moins garder le silence à ce sujet?
Gen. XXVI, 24.
III Rois, XI, 11-13.
