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Jul. Toutefois, bien que ces différentes questions aient été traitées alors avec des développements surabondants, je veux les exposer encore, mais en peu de mots seulement, dans le présent ouvrage. Adressons-nous donc à celui dont nous combattons la doctrine. Tu reconnais que nous avons établi un argument inattaquable quand nous avons dit : Si la procréation s'accomplit par le moyen des organes charnels, si les organes charnels eux-mêmes sont engendrés par les corps, et si les corps sont créés par Dieu seul, il est impossible de révoquer en doute que l'oeuvre de la génération ne doive être attribuée à Dieu, et de prétendre qu'il y a dans les organes de la chair quelque chose qui appartient au démon, et qui lui donne un droit de propriété sur le fruit de ces mêmes organes ; car la diversité de ceux-ci est une de leurs propriétés naturelles, l'union charnelle est la conséquence de cette diversité, et le fruit de cette union appartient à Celui de qui les parents eux-mêmes ont reçu le pouvoir d'engendrer, c’est-à-dire à Dieu : et par là même, il n'y a plus aucune raison qui autorise à attribuer au démon un droit de propriété quelconque sur le fruit des unions charnelles. Quelle consolation donc, ou quel secours espères-tu trouver dans la décence de mon langage, c’est-à-dire, dans ce fait seul, que je n'ai pas voulu nommer en cet endroit la concupiscence de la chair ? Quand même je me serais abstenu de prononcer ce mot dans tout le cours de l'ouvrage, il ne s'ensuivrait pas que j'aurais pour cela infligé un blâme ou une injuste flétrissure à la chose que ce mot sert à désigner : il. s'ensuivrait seulement que je me serais exprimé d'une manière plus décente, afin de plaider plus éloquemment la cause de ma cliente dont j'aurais ainsi tu le nom, mais qui du reste se serait trouvée désignée d'une manière très-claire et très-précise. Je t'accorderai donc, si tu le veux, que j'ai péché par excès de prudence, quand j'ai voulu taire le nom d'une chose que du reste nous prenons soin de dérober elle-même à tous les regards : s'ensuit-il que la raison et la vérité ont perdu tous leurs droits, et que leur témoignage ne saurait plus être invoqué , en faveur de la cause que je défends ? Faudra-t-il que l'intelligence, qui est le juge naturel des choses, suspende ici ses arrêts, parce qu'elle se trouve en présence d'une chose dont la décence prescrit parfois de dérober le nom aux oreilles, comme on la dérobe elle-même aux regards? Mais en réalité quelle inconvenance y a-t-il à nommer la concupiscence de la chair; cette concupiscence que j'ai désignée par son nom propre, toutes., les fois que les circonstances l'ont exigé, et que toi-même tu te plais à désigner ainsi, bien que tu déclares sentir combien il est impossible de la dompter?
Aug. Je dis que la chair peut être domptée, mais par ceux qui luttent contre elle, non point par ceux qui s'en font les panégyristes.
