57.
Jul. Le Christ donc n'était pas moins homme véritable que Dieu véritable; en lui la nature humaine était aussi intègre que dans les autres hommes ; mais il était juste que Celui qui donnait l'exemple de la perfection, pratiquât toutes les vertus d'une manière plus parfaite; il était juste que sa chasteté toujours inviolable, toujours à l'abri des mouvements de la convoitise charnelle, toujours digne de son état de virginité et de la sainteté de son esprit, non moins que cette grandeur et cette force d'âme par laquelle il commandait en maître absolu à tous ses sens et surmontait toutes les douleurs; il était juste, dis-je, que ces vertus de Jésus-Christ pussent être proposées à l'imitation de tous les fidèles en tant qu'elles étaient les vertus d'un homme, et à l'admiration de ces mêmes fidèles à raison de leur sublimité incomparable.
Aug. Tu déclares que la chasteté de Jésus-Christ fut toujours sublime et toujours inviolable : mais telle est l'opiniâtreté aveugle de ton esprit que tu ne comprends pas que la chasteté la plus intègre peut résider dans celui qui par l'énergie de sa volonté et par la véhémence de son amour pour le bien, non-seulement ne commet aucune action, mais ne consent même à aucun désir coupable. Car celui qui conçoit des désirs de cette sorte, alors même qu'il y résisterait autant qu'il est nécessaire pour ne point les accomplir, celui-là observe à la vérité ce commandement : « Ne te laisse point aller à tes mauvais désirs[^2]» ; mais il n'observe pas cet autre précepte de la lui : « Tu ne convoiteras point[^3] ». Jésus-Christ donc ayant accompli la loi dans toute sa perfection, n'a formé aucun désir mauvais; l'opposition qui règne entre la chair et. l'esprit et qui est devenue un apanage inséparable de la nature humaine par suite de la prévarication du premier homme, n'existait point en lui, perce qu'il était né de l'Esprit et de la Vierge, et que la concupiscence charnelle n'avait eu aucune part dans sa naissance. Nous, au contraire, nous sentons s'élever dans notre chair des désirs coupables et contraires à ceux de l'esprit; et telle est la violence de ces désirs qu'ils se traduisent bientôt en actes, à moins que l'esprit, de son coté, ne convoite contre la chair et ne remporte sur elle une victoire glorieuse. Suivant toi , l'esprit de Jésus-Christ domptait avec un pouvoir absolu chacun de ses sens; mais on ne dompte pleinement que lorsqu'on éprouve de la résistance : or, il n'y avait rien dans la chair de Jésus-Christ qui ne fût parfaitement soumis; ses sens ne résistaient jamais à son esprit, et il n'avait. nullement besoin d'exercer sur eux un pouvoir de ce genre. Pour les autres hommes, l'imitation de ce modèle si parfait et si accompli doit consister à faire tous les efforts qui sont en leur pouvoir pour étouffer en eux ces désirs de la chair que l’Apôtre défend d'accomplir[^1], et à souhaiter de n'y être plus assujetti : c'est pour eux le seul moyen d'en affaiblir chaque jour de plus en plus la violence, et de parvenir à en être complètement délivré dans le séjour de la gloire immuable.
Eccli. XVIII, 30.
Exode, XX, 17.
Galat. V, 16.
