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Jul. Ces contradictions apparentes de langage peuvent sans doute embarrasser les enfants qui ne sont pas encore capables de voir dans les mots autre chose que des sons venant frapper leurs oreilles; elles peuvent même servir à exercer leur sagacité et à leur faire mériter le prix réservé à leurs premiers efforts; mais la foi catholique ne croit point que la loi de Dieu soit en opposition avec elle-même , elle n'admet aucune autorité niant ou détruisant la raison ; enfin elle ne prête l'oreille à aucun enseignement, à aucune flatterie ayant pour objet de souiller et de flétrir la divine équité : elle croit au contraire, non-seulement que Dieu existe, mais qu'il est le créateur de toutes les natures ; et en même temps elle n'impute le péché à aucune autre cause qu'à la libre volonté : par,toutes ces raisons, elle repousse comme absolument contraire à la vérité la doctrine de la transmission du péché originel.
Aug. La foi catholique admet, au contraire, comme absolument conforme à la vérité, la doctrine de la transmission du péché originel cette croyance a été défendue, jusqu'au jour de leur mort, non point par de petits enfants, mais par des hommes graves et autorisés, par des hommes qui, après avoir été enseignés dans l'Église, ont enseigné l'Église à leur tour. Vous ne croyez pas que la foi catholique soit, pour me servir de ton expression, en lutte avec elle-même, et vous-mêmes vous luttez contre elle avec une impiété aveugle, ou avec un aveuglement impie. Car vous vous glorifiez pompeusement de n'admettre aucune autorité tendant à détruire la raison ; afin précisément de pouvoir, par vos raisonnements qui ne sont pas des raisonnements, mais des fourberies sophistiques , déposer plutôt qu'exposer l'autorité divine elle-même. Personne cependant ne doit avoir le coeur assez appesanti ni l'intelligence assez obscurcie pour se laisser séduire par un argument que Pélage a formulé ainsi, afin de paraître interpréter seulement la doctrine de l'Apôtre : « Il a été dit que le corps est mort à cause du péché, parce que le corps meurt en effet aux péchés, quand il renonce aux péchés et qu'il cesse d'en commettre ». Pour réfuter une pareille ineptie, il n'est pas nécessaire de discuter; il suffit de lire les paroles mêmes de l'Apôtre : « Si Jésus-Christ demeure en vous, bien que le corps soit mort à cause du péché, l'esprit néanmoins est vivant à cause de la justice. Que si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d'entre les morts, habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous[^1] ». Quoi de plus clair? quoi de plus manifeste ? Ne faut-il pas, dis-moi, être en proie au délire furieux de l'hérésie, pour oser nier le péché originel après une affirmation aussi explicite de son existence ?Aujourd'hui même le corps est encore mort à cause du péché, quoique l'esprit soit déjà vivant à cause de la justice. Mais Dieu, dit l'Apôtre, « donnera aussi la vie à vos corps mortels ». Le besoin, la rage de mentir a pu seule vous inspirer de repousser avec cette impudence brutale une vérité aussi lumineuse; à vous surtout qui vous glorifiez de ne prêter l'oreille à aucune doctrine, à aucune flatterie de nature à souiller et à flétrir l'équité divine »; quoiqu'en réalité quiconque se laisse séduire par vous, se trouve contraint logiquement à nier cette même équité divine. Car si l'on refuse devoir dans un péché quelconque l'origine et la cause de tant de vices corporels ou spirituels auxquels les hommes sont assujettis en naissant, on nie par là même que les jugements de Dieu soient justes. D'où il suit qu'en imputant à la volonté personnelle tous les péchés sans exception, et en refusant d'imputer le péché originel à la volonté du premier homme, vous contraignez ceux qui acceptent votre enseignement à imputer à un jugement inique de Dieu tous les maux que les enfants contractent ou souffrent au moment de leur naissance.
Traduction de M. l'abbé BARDOT.
- Rom. VIII, 10, 11.
