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Jul. Quelle palme enfin décerner à celui en qui la douleur des coups et des blessures ne pouvait parvenir jusqu'à l'âme, parce que les sens refusaient de transmettre les impressions de ce genre? A quoi donc ont servi ces flatteries imaginées par Apollinaire ? Ces vertus dont Jésus-Christ avait paru être un modèle parfait et accompli, perdaient tout leur éclat et toute leur beauté par suite des éloges mensongers que cet hérésiarque donnais à la nature de l’Homme-Dieu ; et ces mêmes vertus se trouvant ainsi dépouillées de toute la splendeur qui s'attache aux vertus véritables, les enseignements sacrés du Médiateur ne devaient plus être qu'un objet de dérision et de mépris. De plus, non-seulement les oeuvres de Jésus-Christ perdaient tout leur éclat et tout leur prix par le fait même qu'elles étaient dues à son heureuse naissance et non point à sa vertu; mais Lui-même se trouvait convaincu de la fourberie la plus odieuse, puisqu'il aurait dit aux mortels: Efforcez-vous d'imiter la patience héroïque d'un homme qui est inaccessible au, sentiment de la souffrance ; élevez-vous en portant des croix très-réelles jusqu'aux sublimes vertus d'un corps qui est incapable de sentir l'aiguillon de la douleur; imitez, en triomphant des penchants les plus violents et les plus incontestables de votre nature, imitez la chasteté de celui que sa faiblesse faisait paraître un modèle de pureté. Certes, il est impossible de rien imaginer de plus impie et de plus sacrilège que de pareilles rêveries. Aussi, Apollinaire n'avait point formulé toutes ces conclusions logiques de sa doctrine ; mais il avait déclare que l'humanité de Jésus-Christ était privée d'une faculté que tous les. autres hommes ont reçue de la nature et qui devient vicieuse, non pas lorsqu'elle s'exerce dans les limites de la tempérance, mais seulement lorsqu'on s'y livre avec excès, c'est-à-dire, de la faculté de sentir par les différents organes de son corps; et par là même il autorisait les catholiques à lui objecter toutes ses conclusions devant lesquelles, au grand préjudice de sa doctrine, il est resté muet. Car la foi catholique s'identifie avec toutes ces maximes dont la négation plus ou moins explicite est à la fois le résumé et la condamnation de l'hérésie des Apollinaristes. Dis nous donc quel jugement l'on doit porter sur toi-même: tu condamnes l'union charnelle , comme Manès; tu déclares, avec les disciples de Manès, que la chair de Jésus-Christ n'était point de la même nature que celle des autres hommes ; tu qualifies du nom de mauvaise la concupiscence charnelle, conformément au langage de ton maître Manès ; tu enseignes, soit dans le sens des Manichéens, soit dans le sens des Apollinaristes, que la convoitise des sens n'existait point dans le corps de Jésus-Christ; et cependant tu ne veux être appelé par nous ni apollinariste, ni manichéen. Je veux. arien toutefois m'avouer vaincu et,, par un acte de générosité dont je n'aurai pas a me repentir, t'accorder les honneurs de la victoire ; je consens à reconnaître que la doctrine ne ressemble pas à celle d'un disciple d'Apollinaire :l'hérésie inventée par celui-ci n'est pas la plus impie des deux ; mais toi-même tu ne consens pas à être appelé d'un autre nom que du nom de manichéen.
Aug. Ambroise n'était ni un apollinariste, ni un manichéen, mais il était l'adversaire le plus redoutable des hérétiques : or, il déclare qu'aucune créature humaine à la formation de laquelle ta cliente a présidé, ne saurait être exempte de péché; et en s'exprimant ainsi, il ne fait qu'interpréter dans leur sens véritable les paroles de l'apôtre saint Paul. Toi, au, contraire, comme je l'ai démontré déjà bien des fois, tu prêtes aux Manichéens un appui d'autant plus efficace que tu crois ta doctrine plus opposée à la leur ; tu appartiens en réalité à la secte des disciples de Pélage, et tu l'emportes sur tous tes devanciers par la fécondité inépuisable de ton verbiage dans les discussions, par l'audace avec laquelle tu calomnies tes adversaires et par la fourberie avec laquelle tu formules ta profession de foi. Car, dans l'impuissance où tu es d'établir aucune argumentation sérieuse, tu répands des flots de paroles également vaines et interminables, tu attribues aux catholiques des maximes abominables qu'ils n'enseignent point, et tu t'arroges à toi-même le titre de catholique sans y avoir aucun droit.
