135.
Jul. Car, du reste, de même que nous lisons ici les expressions de race maudite, nous lisons aussi ailleurs et dans un livre dont l'autorité est plus grande, celles de race bénie. Le prophète Isaïe dit en effet en parlant des Israélites: « Ils bâtiront des maisons, et ils les habiteront; ils cultiveront des vignes, et ils en mangeront les fruits: on a ne verra point les maisons bâties par eux habitées par d'autres; on ne verra point les autres manger les fruits des vignes qu'ils auront cultivées. Car les jours de mon peuple égaleront les jours de l'arbre de vie les ouvrages de leurs mains seront de longue durée ; mes élus ne travailleront point en a vain, et ils n'engendreront point d'enfants maudits, parce qu'ils sont une race bénie de Dieu[^1] ».
Aug. Si tu comprenais cette prophétie d'Isaïe, tu ne chercherais pas à nous l'opposer afin d'éluder nos arguments, mais tu te l'opposerais à toi-même afin de te corriger. Tu verrais qu'il existe une :autre sorte de race, une race non pas mortelle, mais immortelle; non pas charnelle, mais spirituelle : tu verrais cela, dis-je, comme l'évangéliste saint Jean le voyait, quand il disait : « Quiconque est né de Dieu ne commet point de .péché, parce qu'il appartient à la race divine[^2] », En tant qu'un homme est enfant de Dieu, il ne pèche pas; car alors même qu'il pèche comme homme, il ne cesse pas pour cela d'appartenir à une autre race; et en tant qu'il appartient à cette autre race, il ne saurait commettre le péché, parce que comme tel il est né de Dieu. En tant qu'ils appartiennent à cette race, les enfants ne sont point engendrés sous le poids de la malédiction. Si tu avais voulu prêter à ces paroles du Prophète toute l'attention qu'elles méritent, tu aurais pu facilement remarquer que, si un grand bienfait est ici promis au peuple de Dieu, c'est uniquement parce que les enfants, en tant qu'ils appartiennent à l'autre race, c'est-à-dire à la race d'Adam, sont procréés dans la malédiction; au lieu qu'ils ne sont point engendrés dans cet état en tant qu'ils appartiennent à la race de Jésus-Christ, laquelle est une race bénie dès le commencement. Jésus-Christ est lui-même en effet cette Sagesse de Dieu dont il a été dit : « Elle est un arbre de vie pour tous ceux qui l'embrassent[^3] » ; de là aussi ces paroles du prophète Isaïe, ou plutôt de Dieu parlant par la bouche d'Isaïe : « Les jours de mon peuple égaleront les jours de l'arbre de vie ». Une vie sans fin, une vie immortelle était promise en ces termes aux Israélites, aux Israélites non pas charnels, mais spirituels. Dans le séjour de cette vie, la mort ne viendra. point ravir à ceux qui les auront cultivées ou bâties leurs vignes ou leurs maisons spirituelles; on ne verra point celles-ci passer en d'autres mains, et ceux qui les posséderont une fois, les posséderont éternellement. Reconnais donc que les hommes appartiennent à une double race; ils appartiennent à une race en vertu de leur génération, et à une autre race en vertu de leur régénération reconnais cela, dis-je, et ne sois plus incrédule, mais fidèle.
Isaïe, LXV, 21-23.
I Jean, III, 9.
Prov. III, 18.
